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Je vous recommande vivement
PHOTOSMATONS

Le blog très réussi d'une passionnée
qui vous fera très probablement découvrir
de jeunes photographes très talentueux
et reviendra également sur les plus emblématiques

Pour ma part, découvert cette année
Saul LEITER photographe américain
né à Pittsburg en 1923
SAUL LEITER


Paolo VENTURA Italien
un monde de poésie photographique
sur le coin d'une table.
PAOLO VENTURA


L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.

L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page.

PhY de Pont

 LA GUERRE DES MONDES


 
Nous savions parfaitement que l'espèce humaine était sur la voie de l'extinction, que les semaines de la planète étaient comptées sur les doigts de la main divine, celle qui nous avait déjà donné le choix entre se faire foutre de sa gueule par son prochain ou foutre sur la gueule du même prochain, croire en la mamelle nourricière, la téter jusqu'à l'écœurement, la respecter jusqu'à l'abnégation ou s'en servir pour assouvir des inclinaisons désormais réprouvées par le code pénale.
 
Nul n'ignorait la fatalité qui devait nous entraîner vers les abîmes obscurs, nous plongeant dans la soupe pleine de poils, brûlante et éternelle qu’un ange félon boursouflé par l'ambition et l'effronterie aimait à nous servir quotidiennement du haut de son aigreur.

Les chaleurs accablantes succédaient aux frimas incontrôlables, les sécheresses aux l'inondations, obligeant les élus et autres ministres à sortir de leur réserve à coups de communiqués péremptoires : "Il pleut, abritez-vous ou prenez quelques jours et faites un saut à l’île Maurice", "Il neige restez cloîtrés ou venez travailler en hélicoptère",  "la canicule s’abat sur le pays : mangez des glaces, garez vos voitures à l’ombre et mettez vous des mouchoirs humides sur la tête", "l’eau est radioactive, diluez la avec quelques gouttes de citron", "vos enfants risquent à tout instant d’être contaminés faîtes leur porter des dosimètres. Mais pas n’importe lesquels, ceux avec un petit Mickey qui secoue la tête quand la mesure est critique".  C’est à ces stratégies hautement évoluées qu’on a toujours su reconnaître  la fine fleur de la hiérarchie politique, celle qui sent bon l’essence d’énarque et autres arômes spécifiques réservés aux élites.
                               
Les typhons se substituaient aux raz de marée, les scandales sexuels aux crises financières, « lèche-moi le CAC40 », « Fous moi ta grosse dette dans le parachute », « laisse-moi te tripoter l'espace de Schengen » ; les rumeurs aux convictions, les promesses aux atermoiements, les caresses aux bastonnades, la course élégante de la planète bleutée prenait d’heure en heure des allures de trajectoires de yoyo détraqué.
 
Les peuples comprenaient bien que quelque chose ne tournait pas rond dans le programme, après tout la stupidité des populations est tout à fait cyclique, les instants de lucidité cheminant au même train que les heures de divagations collectives. Tous les continents  s'enfiévraient, de chacun d'eux montait la même impression que les prévisions étaient faussées, que les plans se froissaient les uns après les autres, floutant les grandes lignes conjecturales , que des erreurs avaient dues être commises, même les traditions prenaient parfois des apparences de pièges à cons. Ces craintes palpables choisissaient des formes plus ou moins explicites, selon les caractères, selon la géographie, l’altitude, la température, les rites culinaires, la coutume, le folklore, la proximité de voisins plus ou moins coopératifs.
 
Ici on tapait sur la table en faisant sauter en l’air les verres à apéritifs et les biscuits salés, on faisait des sit-in, on grommelait en roulant des yeux, là on tirait à vue, on s’enfonçait dans la terreur, dans le crime, dans l’indicible, notion vaporeuse chère à  HP Lovecraft. Là encore, excédé, on votait résolument à gauche ou frénétiquement au Centre, parce qu’en fin de compte tout n’est pas si terrible que ça.
 
Par là-bas, dans les Républiques agonisantes, on offrait des petits-fours et les lambris dorés à ceux-là même qu’on avait haït soixante cinq ans auparavant lorsqu’ils défilaient au pas de l’oie sur les pavés lustrés, reniant des serments irrévocables, piétinant des dogmes ébauchés à coup de vies humaines, de sacrifices, de cruauté ressentie. Les fusibles mis en place après les expériences malencontreuses des aïeux à moustaches sautaient les uns après les autres offrants au monde médusé des spectacles pyrotechniques redoutables mais de toute beauté.
 
Le grand leitmotiv prenait les airs des rengaines des caboulots « On ne sait plus sur quel pied danser... » « Mais à qui faire confiance ? » « La java des isoloirs » « La rumba des professions de foi ». Moi, moi, c’est moi, par ici, regardez-moi ! Des prunelles suspicieuses se posèrent alors sur les princes discrets, sur les ridicules petits barons la morgue au nez, qui agitent, au bout de leurs auriculaires déformés par l’étiquette, des blasons surannés, incompréhensibles, sur les tyrans paranoïaques gonflés à éclater par la suffisance, coulé dans la vanité comme des merdes dans le bronze prétendant posséder des peuples, disposer du droit de vie ou de mort sur des pseudos sujets , détenir la vérité obsessionnelle, la légitimité absurde acquise par les nébuleux faits d’armes d’un ancêtre aux formes atrophiées de potentat, lui-même résultat claudiquant d’un coup de bite hasardeux sur la carpette d’un campement militaire, à l’angle d’une meurtrière, sur le parquet brillant d’un corridor versaillais ou derrière les rideaux de velours d’un salon feutré du troisième Empire.
 
D’immenses panaches de fumée s’élevèrent de chaque colline, de chaque forêt. Dans chaque plaine, sur les hauteurs de tous les plateaux se groupèrent des masses considérables, des multitudes d’êtres humains multicolores qui se mélangeaient tremblant de ressentiment, les bras levés, armés de branches de ronce, de pierres coupantes, de cornes d’animaux morts. Les yeux grésillaient d’une braise haineuse, les gorges vibraient de menaces et de cris.
 
Tels des fleuves tempétueux roulant des immondices, des cortèges d’hommes portant sur leur dos des vieillards vociférant, agitant leurs membres décharnés et des nuées de femmes et d’enfant s’avançaient prêts à en découdre, à renverser les oppresseurs, à abattre l’autorité, ne craignant ni le feu des armes ni la brûlure de la répression. 

Dieu pouvait bien être dans le clan d’en face, sa parole n’avait plus la moindre valeur, ses commandements  rédigés sur des parchemins anciens servaient depuis longtemps au mieux à emballer la friture, au pire à essuyer la semence avariée de ses légats dégénérés.
 
Ce peuple là n’appréhendait plus rien, donnait la mesure du vide qu’il allait occasionner dans les rangs de ceux que le pouvoir avait hypnotisé. Il ne craignait rien de brutale, rien de cruel, la détermination le guidait, il attendait, planté dans la misère, les bataillons sauvages, les hordes farouches chantés dans les hymnes guerriers.
 
Les forces de l’ordre ne vinrent pas. Il se passa des jours entiers sans que rien de significatif ne se produise. On se lassait presque.  Puis ce fut la stupéfaction, la terreur se présenta sous un aspect anodin, une forme jusqu’ici paisible, loin des images classiques et redoutées de la répression. Les rêveurs les plus acharnés, les plus prédisposés à l’imaginaire débridé n’auraient pu fantasmer une telle épouvante. Machiavel lui-même, fourbe et vermoulu, n’aurait osé proposer une semblable recommandation aux Princes qu’il conseillait. La violence, la cruauté portée à ces peuples épuisés n’avaient pas de nom. Les malheureux pliés par la douleur devenaient inopérants, des diarrhées infâmes et sanguinolentes les courbaient à même le sol, les maux de ventres anéantissaient les jeunes enfants, les viscères des plus âgées explosaient sous la pression des poisons, les femmes hurlaient (chochottes) cherchant à extraire de leurs entrailles, à mains nues, le venin qui les assassinait.
 
On attendait les chars, la mitraille, les bombardements, on guettait les sections d’assaut, les compagnies de CRS, les gardes impériales, les tontons macoutes.... Ils avaient envoyé les steaks hachés à prix coûtants, les germes de légumes teutons à l’urine de renard, les concombres génocidaires, les légumes exterminateurs, le thé vert radioactif, le lait corrosif et autres sournoiseries funestes.
 
Chacun regagna ses pénates en tenant ses couches, il fut organisé une vaste distribution de pansements gastriques, on remercia chaleureusement le Ministère de la Santé qui avait participé à éviter le pire en adaptant les remèdes aux maux.
 
Jean Louis Borloo se présenta aux élections présidentielles, convaincu qu’il pouvait apporter au pays l’aide nécessaire à la poursuite radicale de l’action gouvernementale mais avec lui à la place de l’autre et il ne fut pas élu.
 
Mince...



 Le sein drôle de Stockholm (829 489 hab.)

Le retour







Cela fera plus d’une année révolue que mon dernier billet a été posté sur ce que bon nombre de bigoudens appelle encore sous cape et en se vrillant l’index à la hauteur de la tempe : le blog du fada. 
Non, fada n’est pas la propriété exclusive des pecnauds du midi. 
(C’est décidé cette année je me fâche avec la terre entière.)
Je venais donc de valider le fameux «Cop & Hag», monument de la littérature minimaliste et heureux de vivre et d’aimer l’eau fraîche je devais entreprendre un voyage photographique dans une île lointaine et paradisiaque. Cela ne devait durer que quelques jours, il se passa une année entière et seule Ancolie, observatrice passionnée de l’infiniment esthétique s’inquiétât alors de mon absence... Mais sans plus.
Voici donc le récit de ces aventures fantastiques et parfois insoutenables qui m’empêchèrent cruellement d’alimenter ce blog étonnant qui vous a si souvent accompagné, chers (chères) lecteurs (trices) et commentateurs (trices) dans votre solitude, votre isolement, vos introspections et même parfois dans la maladie.
Au retour de ces horizons lointains, ou le palmier semble avoir été planté au coin à gauche de chaque carte postale pour souligner l'indicible mièvrerie de ces paysages parfaits, je retrouvais avec plaisir les ruelles moites aux pavés spongieux de ma belle ville de Pont, plongée comme à l’accoutumée dans une brume pénétrante et expectorante ; rue Péronelle de Rochefort, rue Bertille de Sanceprune, rue Anselmine de Karkeloc’h, rue Domitille de Rumengol et enfin rue Guillemette de Kerduner. Il faut dire que la municipalité a mis le paquet pour rendre hommage aux diverses pucelles moyenâgeuses qui ont fait, jadis, les beaux jours des bars à soldats du centre ville. 
Ma flânerie nostalgique me conduisait sans but précis au fil de ces venelles étroites lorsque soudain, deux quidams sortant de nul part me mirent une vague carte routière sous le nez et m’interrogèrent confusément sans que j’ai pu prendre soin de vérifier la conformité de leur faciès avec les récentes règles de prudence diffusées par le ministère de la Vérification des physionomies. 
Dénué de toute méfiance, je m’abîmais les yeux sur le plan de la ville lorsque je fus soudainement recouvert jusqu’au torse d’un sac rudimentaire en velours côtelé et brutalement entraîné vers l’avant pour être enfourgonné dans ce que je crus être une manière de véhicule utilitaire et enfin on m'appliqua sur le visage et à travers la toile ce qu'il fallait pour m'endormir. Cela s’était passé en quelques secondes seulement et visiblement nul passant frileux ne s’émut de mon sort.
Nous roulâmes dans un confort déplorable pendant une éternité, mes côtes s'en souviennent encore et parfois, dans une demi conscience, j’entendais les voix de mes ravisseurs, ils s’exprimaient dans un étrange patois oscillant entre le kurde des montagnes du nord le poitevin-saintongeais et le berrichon ancien.
Le véhicule s'immobilisa enfin. 
On m’entendit m’agiter dans la camionnette, on m’en extirpa sans ménagement et le sac qui m’aveuglait fut retiré.
Nous devions être en plein après-midi, les ombres de quelques arbustes squelettiques et complètement penchés en témoignaient.
Le campement rudimentaire était en bord de mer, adossé à quelques canivelles protégeant une dune plantée d’oyats. Le ressac que l'on percevait  lointain, de l’autre côté de la masse de sable indiquait la marée basse. A l’horizon quelques pointes de clochers se détachaient à peine sur le gris métallique du ciel, des calvaires lugubres plantés de-ci de-là sur une lande éparse racontaient leurs histoires de passion et de crucifixion, des pierres taillées comme des dolmens ou rassemblées telles des cairns se dressaient dans ce paysage indéfinissable et l’air était saturé d'une odeur de goémon, de galettes et de beurre salé... 
Non, repérer l’endroit où on m'avait conduit était tout à fait impossible.
 
A partir d’ici, Ô lecteurs incrédules, il vous sera possible de rendre ce récit plus vivant et plus coloré en lisant les parties mises en italique avec un léger accent, celui qui vous conviendra et qui représentera avec le plus de réalisme les craintes profondes, ancestrales, enfouies que vous inspire votre prochain.
Quatre individus me faisaient face, dont une femme à ce qu’il semblait. Tous étaient accoutrés de pantalons de survêtement ridicules, enfoncés dans une paire de bottes en caoutchouc, de pull à losanges d'un autre temps d’une vareuse de type militaire et leur visage se dissimulait sous une forme de cagoule de grosse laine à visière.
 
L’un d’entre eux s’approcha :
« Je suis le chef. Bonjour d’abord et permettez-moi ensuite de vous présenter tous nos vœux. On a jusqu’à fin janvier n’est-ce pas... Alors bonne année et surtout bonne santé. »
 
Je restai indécis.
 
« Nous sommes les redoutables révolutionnaires Pitchounes et vous êtes notre otage. »
 
D’indécis je passais à perplexe.
 
L’homme de gauche qui, sous son passe-montagne s’était barbouillé le visage avec de la pâte de camouflage, ressemblait à une vache trop maquillée ajouta :
 
« Révolutionnaires Pitchounes ! Branche historique radicale et incompatible... »

 « Ta gueule quand je parle Zemour, »  dit le chef, « saute sur ta mobylette et fonce faire le pê au bout du chemin. »
 
Il s’appelle réellement Zemmour demandais-je avec circonspection ?
 
« Pas Zemmour, Zemour..! Il est plus bête que méchant dès qu’il y a une connerie à dire, c’est pour lui, un genre de marque de fabrique. Ne vous formalisez pas. Enfin j’imagine qu’il doit avoir des circonstances atténuantes. Père ingénieur, mère au foyer... Une bonne situation, des revenus réguliers... On ne s’étend pas d’accord ? Ça peut frapper dans tous les milieux. »
 
J’acquiesçais  sans réserve.
L’autre homme n’avait pas prononcé un mot, il se contentait d’opiner bêtement quand à la femme, son rôle était purement figuratif (au cas où plus tard, un réalisateur veuille mettre en scène mes aventures, une présence féminine est immédiatement plus alléchante.)
Donc je suis otage ?
 
« Absolument cher Monsieur. »
 
Mais que voulez-vous faire de moi ?
 
« Et bien obtenir une rançon pardi et faire avancer la cause… »
 
Une rançon dites-vous ? Mais qui voulez-vous qui vous règle une rançon ?
Je n’ai pas un sous d’avance, ma famille ne bougera pas le petit doigt, mes amis me fuient et je n’ai même pas réglé mon abonnement à Viabloga…Et la cause.. Mais qu’elle cause ? Vous n’avez donc aucun scrupule ?
 
« Pas le moindre, les œufs sont faits pour faire des poussins ou des omelettes, les enlèvements sont là pour faire des otages et les otages pour toucher des rançons… C’est la vie qui veut ça mon cher monsieur. »
 
Et vous n’avez pas honte ? Vous n’éprouvez aucun remords.
 
« Si, terriblement, autant que votre organisme de surendettement qui vous étrangle… Autant que votre banquier qui vous asphyxie, que l’administration qui vous envoie l’huissier pour vous saisir qui vous pousse dans l’extrême dépression et vous contraint à abattre désespérément mère femme et fille avant de vous coller une balle dans la tête… Tout ça c’est effroyablement perturbant et tel que vous me voyez, je suis engourdi, que dis-je, totalement paralysé par le remords. Quand aux scrupules, je pense ressentir les mêmes que les gouvernements qui protègent scandaleusement les plus riches aux dépends des peuples qui souffrent.
En deux mots, je m’en fous ! J’assume, nous assumons ! Ce qui revient à dire on vous emmerde chers concitoyens. »

Mais cela ne constitue pas une cause et ne vous autorise pas à procéder à des enlèvements dangereux.
 
« Vous ne vous sentez pas en sécurité peut-être ? Vous a t'on torturé ? Nous avez vous choisis pour ces nuisances ? »

Et bien non, justement, non à toutes vos interrogations et non en particulier à la troisième, je ne vous ai pas choisis.
 
« Nous sommes d'accord. Qu'y a t'il de plus indignant, qu'un inconnu fasse un peu pression en vous retenant contre votre gré afin d'obtenir un modeste capital en contrepartie de votre libération ou qu'un aréopage d'élus vérolés vous empapaoute jusqu'à la garde pour vous extorquer toutes vos économies ? »

L'homme silencieux levait le menton en me regardant à chaque théorie de son chef comme pour mieux m'inciter à corroborer ses affirmations.
 
« On aurait bien essayé de kidnapper tout un peuple, une bonne fois pour toute, afin de réduire les risques et d'augmenter les gains mais franchement, les peuples n'intéressent plus personne, regardez les Haïtiens ! Rappelle t'on tous les soirs à la télévision à l'heure où l'on tranche le saucisson sec pour accompagner l'apéro que des centaines de milliers de personnes vont dîner d'une galette de terre battue mélangée à de la poussière et trinquer avec un bon verre d'eau croupie ? Et aujourd’hui ces Tunisiens, un chevalier en armure s’est-il récemment proposé pour les sortir de leur carcan et leur ôter leur bâillon ? Certes on ne doit pas oublier ceux qui sont retenus loin de leurs proches et contre leur volonté, mais cela doit-il masquer l'ignoble incapacité de nos civilisations bien pensantes à régler les vrais problèmes de l'humanité. Je vous assure, nous avons bien pesé les risques et les prévisions de bénéfices, prendre un inconnu en otage, si la démarche est bien orchestrée et habillement médiatisée reste nettement plus profitable que menacer d'asservir tout un peuple sous le joug d'une dictature sanguinaire ou de rayer de la carte toute une population sous prétexte de ne pas froisser la sacro-sainte souveraineté des nations y compris les plus pourries, les plus malsaines. »

Le soir avançait paisiblement. Le deuxième homme et la jeune femme firent un feu et s'afférèrent à la préparation d'un repas sommaire, on n'entendait plus de la mer qu'un vague clapotis et au bout du chemin un chien aboyait frénétiquement après Zemour qui faisait pétarader sa mobylette comme un sale gamin.
 
Les matins succédèrent aux soirées, les heures chaudes aux journées de pluie, les mauvais repas aux mauvais repas, le chef traitait de tous les sujets avec la même conviction, Zemour ne retirait sa cagoule de laine que pour s'éponger le visage ou flatter la tête du chien qu’il avait adopté, le muet le resta et je failli tomber sous le charme de la jeune femme. Ils me relâchèrent probablement lassés de ce pensionnaire encombrant sans avoir touché le moindre argent.

Il se passa une année entière, les factures s'amoncelèrent dans ma boite aux lettres et il me fallu être bien persuasif pour me faire pardonner cette absence.

Je commence aujourd'hui à ressentir le manque de cette petite bande et la philosophie panglossienne de leur chef.
 

 Spirit of Manhattan Part 7

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Pear lStreet


Empire in old way


Empire and stairs


Ed Sullivan Theater

 Séance de nuit

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L’élection de Jonas Tiburne, même si aujourd’hui elle nous semble tellement évidente, ne fut pas une partie de plaisir et je peux vous certifier que je n’aurai certainement pas confié mon portefeuille d’actions Madoff à l’audacieux qui se serait laissé aller à parier le moindre bouton de culotte sur la réussite de cette aventure municipale. Quoiqu’il en soit, inclinons nous, soyons beau joueur, s’il est à sa place aujourd’hui, Tiburne ne le doit qu’à la force de ses propres poignets et à l’amplitude de son torse,  tel le Zampano magnifique de la Strada de Fellini.
D’ailleurs, la stupéfaction, que dis-je, le saisissement qui suivit les premières estimations fut tel que les bulletins durent être recomptés une dizaine de fois par les scrutateurs incrédules. Leurs visages rendus verdâtres par la lumière glaciale des néons de la cantine municipale portaient le masque de l'extrême fatigue quand enfin ils publièrent les résultats définitifs et officiels  du scrutin.
Gobelets jetables, Pschitt orange et mousseux tiède à volonté, canapés ramollis et petits fours desséchés, nappes en papier gaufré et concerts de chansons de marins par les incontournables Ruz Boutou, vedettes des patronages et des VVF locaux et l’affaire fut, comme le déclare le bon sens populaire à travers l’une de ses plus belles répliques, « dans le cul de l’âne. »
Poubelles éventrées, canettes éparpillées, Pont se réveilla frippé, après les agapes électorales et les pétards des réjouissances partisanes sous une fine couche composite de serpentins et de confettis multicolores détrempée par des surplus de vin chaud, somme toute gâché.   
Le premier conseil, c’était un mardi, fut organisé le soir dans la grande salle des mariages. Les lampes des lustres en roue de charrette étincelaient, la moquette aubergine feutrait de son mieux. Tiburne avait revêtu un complet chic, d’un étrange bon goût qui tranchait enfin avec ceux arborés durant la campagne dont on aurait pu penser qu’ils avaient été sélectionnés par le costumier du Parrain. 

Les conseillers observaient silencieusement leur maire et jouaient nerveusement avec leurs stylos, guettant l’allocution initiale et historique et ils ne furent pas déçus : « J’ai décidé qu’il allait éventuellement devenir urgent d’organiser, et ce dans un laps de temps qui restera à définir, le calendrier des réunions qui s’imposeront pour commencer à faire bouger les choses dans cette ville. Mais en préambule, je souhaitais soumettre, pour la forme,  cela va sans dire, cette initiative à ce conseil. » Un verre d’eau plus tard :  « Croyez-moi, tout fera ventre, on mettra cette ville d’équerre ou je bouffe mon tapis de bain !" L'expression fit frémir. " J’ai des idées à faire fumier et en les joignant aux vôtres... » il réserva un silence interrogatif  pour lancer un regard circulaire sur les adjoints et les conseillers « car il y en aura d'autres n’est-ce pas ? Je compte sur vous. » Tout le monde opina avec force marmonnements et bredouillages. Tiburnes extirpa un cahier à spirales et lança dans un anglais impeccable: « braigne stormigne !  Que les idées fusent»  Et les idées fusèrent, ce fut même un feu d'artifice de projets, une marée d'ébauches et de concepts bouleversants, un tsunami échevelé et visionnaire.
On fit monter de la bière et des sandwiches, comme au bon vieux temps du 36 et des chapeaux mous. Certains  fumeurs impénitents sortirent brièvement griller une cigarette sur le perron du premier étage, soufflant leurs volutes blanchâtres dans le ciel profondément bleu nuit de la cité somnolente. 

La séance se poursuivit  jusque vers deux heures du matin. Quelques noctambules passablement imbibés et accrochés les uns aux autres par une inclination de circonstance,  virent les lustres s’éteindre les uns après les autres lorsque la grande salle fut enfin replongée dans l'obscurité. 

Seul scintillait encore l'infâme et prétentieux rideau de douche lumineux que l'on avait tendu sur toute la façade de l'hôtel de ville,  comme une résille vulgaire et clignotante, dernier vestige tendance des décorations de Noël oubliées.

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L'Ours & le tuliper, texte original déposé d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
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