S'identifier - S'inscrire - Contact
 

Qui vaut le coup

Je vous recommande vivement
PHOTOSMATONS

Le blog très réussi d'une passionnée
qui vous fera très probablement découvrir
de jeunes photographes très talentueux
et reviendra également sur les plus emblématiques

Pour ma part, découvert cette année
Saul LEITER photographe américain
né à Pittsburg en 1923
SAUL LEITER


Paolo VENTURA Italien
un monde de poésie photographique
sur le coin d'une table.
PAOLO VENTURA


L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.

L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page.

PhY de Pont

 L'OURS Pages 70 à 72

Dernières lignes et Fin

Mots-clés :



Gustave :
- Pauvre mère, je crevais de trouille de la laisser à Croisset, je pensais qu'elle n'y survivrait pas. Partir, l'abandonner là, a été un déchirement atroce, nécessaire mais atroce, mais le pire, a été au retour, de lire tous les reproches que ses yeux formulaient. Je peux te dire, ce ne fut pas un moment vraiment réjouissant.
Suzanne :
- Quand je pense, cette distance, toutes ces lieues à travers les dangers, faut croire qu'il vous en a fallu du courage pour toutes ces décisions et ces aventures. Et ces gens étranges, et tout ce sable dans vos déserts ! Moi j'aurais fondu sous cette chaleur ! Mais des merveilles, ça vous avez dû en voir.
Gustave :
- Tu peux le dire ! Je me demande, en fin de compte si l'aventure ne se résume pas uniquement au voyage, avec tous les sacrifices liés à l'absence. Quelques fois il suffit de respirer l'odeur de la boite qui a renfermé le haschisch pour en ressentir les effets, les émotions. En consommer est superflu. Du moins j'ai cru ça jusqu'à ce fameux matin plein de soleil, quand notre pilote, sous son turban blanc, aveuglant, nous amena dans la passe d'Alexandrie, et le premier chameau que j'ai apperçu sur la terre d'Egypte. J'étais ébloui, comme un esquimau pourrait l'être en regardant une vache. Et cette fille somptueuse, magnifique qui avançait sur le quai avec une grâce incomparable et ses pendants d'oreille, elle était comme un palmier chargé de dattes, frêle et majestueux à la fois.
Suzanne :
- Voilà, vous avez uncore une histoire toute prête pour vos écritures. Je pourrais lire vos contes à Julie, quand elle sera rentrée, comme ça on saura tout de votre vie.
Gustave :
- Julie faisait déjà une belle commère, maintenant vous ferez la paire. Ainsi il te plairait de tout savoir ? Tu voudrais vibrer par procuration, au risque de rester sur le seuil de la passion. Tu veux profiter sans craindre, sans souffrir. Tiens, peut-être voudrais-tu également jouir sans aimer, sans prendre ni donner, simplement par l'opération du saint Esprit et,  je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit qu'aujourd'hui, le saint Esprit, c'est moi.
Suzanne devient rouge comme une pomme.
- Faut pas vous emballer comme ça, vous inventez !
Gustave :
- Ne t'offusque pas, crois moi ou pas, ça me flatte. Tu as raison, l'histoire de ma vie est prête, elle se repose en ce moment des fatigues du voyage et des lumières trop fortes dans des lettres, quelque part à l'ombre, dans la poussière de vieux cartons. Parfois je me demande si il ne serait pas mieux de tout brûler.
Suzanne :
- Ben sûrement pas, vous virez fou ou quoi ?
Gustave :
- Je me demande jusqu'où tu serais capable d'entendre le récit de mes frasques sans avoir envie de me repousser, sans préférer abandonner de peur de déplaire à tes convictions. Et moi ? Jusqu'où pourrais-je te raconter sans commencer à mentir, pour t'impressionner ? Mon histoire, je la modèle à chaque fois et à chaque fois d'une manière différente, à la mesure exacte de mon auditoire, pour le troubler jusqu'aux tréfonds. Je me prends pour un miroir surnaturel, qui ne restituerait que l'image idéale, celle qui plaît, qui touche, qui flatte. Mais sacrebleu, à quoi rime cette conversation, ou plutôt ce monologue. Tu me lances des petites phrases innocentes et moi je tombe dans le panneau, je rentre en moi et te découvre ma doublure comme je le ferai avec un ami de 50 ans.
Gustave va lentement vers son grand sofa, tout recouvert de coussins et de tissus d'orient.
Gustave :

- Allez, assez raconté ! Je vais m'installer dans les cuisses de ma vieille et fidèle ottomane, elle au moins ne m'a jamais déçu, ni trompé. Viens près de moi, je veux te voir de plus près. S'il te plait, approche aussi ma pipe et le tabac.
Suzanne :
- Il n'est pas temps de fumer. Vous feriez mieux de vous reposer, un couple d'heures au moins. Depuis ce matin je n'ai pas eu le temps d'avancer, regardez ce fourbi, cette poussière, j'ai de quoi faire. Et il faut du bois.
Gustave :
- On s'en fout de ton bois. Approche te dis-je. Aime autant que je l'ai fait et tu verras, à la fin du compte, tes envies seront trop permanentes, trop intenses pour qu'elles se résument simplement à des besoins de baisades. Tu es si jeune. Je ne renie pas mes culbutes, je ne me suis jamais laissé dégoûté après le plaisir et si la mousse a poussé sur les édifices de mon coeur sitôt qu'ils étaient bâtis, il m'a fallu du temps pour qu'ils tombent en ruine et certains subsistent toujours. Reste un muse chère Suzanne, reste un inspiratrice, car même totalement revêche, la muse donne moins de chagrin que la femme.

Suzanne s'approche enfin de Gustave, elle est au-dessus de son visage, elle tamponne son front et sa bouche avec un mouchoir blanc.

Gustave :
- Comme tu es belle, je voudrais te caresser, toi aussi, toi surtout, mais je craindrais trop de t'érafler la peau de mes vieilles mains, et de rayer ton vernis laiteux, si translucide. Je crois qu'il va falloir que tu t'apprêtes  à me soutenir encore un peu. Pour une fois, je voudrais que quelqu'un d'autre que moi prenne ma tête dans ses propres mains. Je suis étourdi mais de t'inquiète pas. Je sens que je vais avoir encore une de ces syncopes. Si cela m'arrive encore aujourd'hui, c'est heureux que ce soit là, près de toi, si lumineuse dans ma pénombre. Ca aurait été bien embêtant demain dans le train. Décidemment, je n'aime pas les trains. Je repense à toi père, être tué par un Prussien en plein Rouen ! Il faudrait avoir la force d'en rire. Aime autant que je l'ai fait.
Suzanne :
- C'est très bien d'aimer, mais il y a la douceur aussi, et tous les sentiments paisibles qui font du bien. sI vous saviez comme je tremble quand vous approchez, comme mon coeur s'emballe. Je me dis comme ça que vous allez me faire des reproches, vos sales réflexions, et si vous ne les dites pas, je les imagine, je les invente, je me fais du mal toute seule. Et pis il y a des jours là, où vous restez dans vos feuilles et dans vos livres, où vous ne dites rien, et c'est pire encore, c'est comme d'être transparente. On se sent mal quand on est invisible vous savez. Et il y a aussi les fois où vous me regardez avec gentillesse, vous parlez doucement, de vos histoires, de vos souvenirs, sans dire de méchanceté. Alors ça me transporte, j'ai dans la poitrine, là-dedans, des bouffées de bonheur.

Gustave s'est endormi depuis quelques minutes. Suzanne le recouvre d'une couverture et embrasse un des coussins avant de le lui glisser sous la tête.

Suzanne :
- Dormez cher homme. Et vivez encore un peu auprès de moi, avant que le temps vous rattrape.


FIN

 L'OURS Pages de 68 à 69

Mots-clés : ,


Gustave :
- Bien sûr, je me documente, j'épluche les ouvrages nécessaires, je tiens compte des récits, des mémoires. Je voyage aussi, mais cela est très secondaire et au final, je combine,je bâtis, je fais rêver. Je ne suis pas assez primitif pour croire que j'ai fait, dans Salammbô une vraie description de Carthage, non, mais je suis certain d'avoir exprimé l'idéal qu'on en a aujourd'hui. Et il en est des destinations lointaines comme des femmes, on en rêve, on en meurt d'envie, on pourrait se ruiner, se déshonnorer, se ridiculiser, se mutiler pour les atteindre et quand on y accède, et une fois passée l'émotion, on voudrait aller voir plus loin, derrière la colline, si les poires ne sont pas plus juteuses et le soleil plus chaud. Vois-tu Suzanne, pour en revenir à ce que je te disais tout à l'heure, les femmes qui sont à bonne distance sont moins compliquées, moins calculatrices, moins insistantes et moins pressantes aussi que celles que j'ai cotoyées ici. 
Suzanne :
- Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas ?
Gustave : 
- Oh, je constate, c'est tout. On se sent des allures de seigneurs avec elles, mais peut-être est-ce parce que je n'ai vraiment regardé que dans les bordels. Il semble qu'au delà de nos frontières, les femmes se masquent à peine, on les prend comme on les trouve. Point de corset pour modifier la taille, pas d'artifice pour brouiller la ligne ou de fard pour tromper l'oeil. La marchandise est là, devant toi, sur l'étalage : un ventre comme des sables mouvants, une double ou triple rangée de bourrelets poisseux, des bras en sueur, larges comme des feuilles de palmier et sur leur peau, des exhalaisons enivrantes, des ruisselements d'huile de santal. Ces femmes m'ont fait jouir sans lendemain mais aussi sans arrière pensées.
Suzanne :
- A vous entendre en penserait que vous êtes resté toute la sainte journée allongé sur des nattes à vous ébattre comme une bête, durant tout votre voyage.
Gustave :
- Et alors, aux heures les plus chaudes il faut bien mettre son corps à l'ombre et au repos. On ne peut pas passer son temps à galoper dans le désert, comme un scarabée. Qu'est-ce qui te dérange hein ? Qu'est-ce qui te démange ? La compassion, la sensualité ou l'ethnologie ?
Suzanne :
- Pourquoi voulez-vous que je sois démangée ? Rien ne me démange pas, qu'est-ce que vous croyez  ? Vous les hommes, il faudrait que vous soyez les seuls à avoir de la curiosité ou des démangeaisons. Vous savez, des fois j'aimerais bien voir d'autres endroits, des villes plus grandes ou des montagnes, tenez ! Mais j'ai tellement peur et puis de quoi je vivrais par là-bas ?
Gustave :
- J'approche de la soixantaine et ce n'est plus la fougue de mes sens qui m'embarrasse, mais tu m'étonnes et tu m'égares, Suzanne. Ton âge sûrement et cette tiède fraîcheur. Tu me troubles.
Suzanne :
- Julie m'a racontée aussi toutes ses craintes quand vous partiez pour vos voyages. Elle se fait son mouron dès que vous changez de pièce ou que vous avez passé la porte. Même quand vous allez à Rouen, ou à Paris. Je suis sûre qu'à cette heure elle doit se ronger les sangs.
Gustave :
- Avant chaque départ, moi aussi j'étais inquiet en vérité. A Croisset je rêvais du Caire, de Boulaq, de Louqsor et d'Assouan. A peine arrivé à Marseille, sur le port, je regrettais déjà les faubourgs de Rouen, les flèches de la cathédrale et même la gare de chemin de fer. Certes je voulais m'éloigner, fuir, les pénibles, les femmes, mes femmes : Louise qui me vampirisait et ma mère qui me faisait suffoquer. Je devais absolument partir, mais Concarneau ou Villedaux auraient été raisonnablement assez loin et cela aurait été suffisant pour respirer. Tu penses, en temps normal je renonçais déjà à me rendre seulement à Mantes pour une nuit d'amour avec ma maîtresse, de peur de laisser ma mère seule et qu'elle ne veuille plus dormir. Alors l'Italie, la Turquie ou l'Egypte, imagines l'état de la pauvre femme...

 L'OURS Pages de 65 à 67

Mots-clés : , , ,



Suzanne :
- Oui da, je vous pardonne, je sais bien ce que vous êtes en fin de compte. Les gros chiens n'aboient pas, ils mordent sans prévenir. Mais ne croyez pas que vous êtes seul au monde. Ne dites plus ces horribles choses sur Monsieur Guy, il souffre tant de sa maladie, quand je l'ai vu, avec son pauvre oeil qui saute sans arrêt et toues les grimaces qui le défigurent, j'ai été effrayée. Moi en tout cas, je vous aime. Enfin, je vous aime bien.
Gustave : 
- Je gueule, Suzanne, et je peste, et je fulmine aussi, je suis comme le Stromboli ! Mais c'est thérapeutique, cela m'aide à vivre et surtout à supporter de vivre. Des fois, ma cervelle est comme du moût de raisin et j'ai les nerfs tordus, on dirait les câbles d'un navire. Je me sens qomme sur le pont d'une felouque, ballotté et écrasé par la chaleur. Sais-tu qu'il fait si chaud dans ces pays d'Orient que j'ai visité, que parfois des nuées d'oiseaux morts et plus secs que des sarments grillés, s'abattent en plein jour sur les caravanes.
Suzanne se signe :
- Ho ! Quelle horreur ! Je veux bien croire que note seigneur sait ce qu'il fait et qu'il a créé bien des prodiges sur notre terre, mais boudieu, cette chaleur, ça doit rendre tous les gens fous.
Gustave :
- C'est leur terre et des hommes et ces femmes là semblent s'en accommoder. T'ai-je déjà dit que les femmes d'Egyptes sont bleues ? D'un beau bleu bien profond.
Suzanne :
- Ah bon ? C'est pas Dieu possible ! Mais ma parole, vous me prenez pour une gourdasse ?
Gustave :
- Que leur regard est terrible, il transperce la boite crânienne et met à nue l'âme des hommes qu'elles croisent. De leurs prunelles, elles te sondent mieux qu'un instrument chirurgical, qu'importe les fards qui te recouvrent, qu'importe les grimaces qui te dissimulent et les vertus mensongères qui te soutiennent comme des béquilles, elles savent te déshabiller et tu te retrouvent nu et grelottant, à quate pattes dans le sable, malgré les rayons du soleil qui te cuisent la couenne.
Suzanne :
- Je n'arrive pas à croire ça !
Puis voyant Gustave rire dans sa moustache de sa stupeur, elle lui donne un petit coup de poing sur la poitrine.
- Gustave Flaubert, vous pouvez dire que c'est fini ! A partir de cet instant, je vous déteste pour de bon et jamais plus je ne vous dirai un seul mot ! Vous m'avez entendu ou quoi ?
Gustave :
- Assurément, je t'ai entendue ! Tu es savoureuse ma Suzanne. Mais tu sais, ces femmes ne sont ni plus belles ni moins belles que celles que j'ai connues ici. Beaucoup moins belles que toi par exemple. Elles étaient plus loin, simplement. On dit que la distance déforme, mais parfois, elle sait aussi arranger. C'est un peu ce que me reprochent les jeunes lettrés d'aujourd'hui, qui décortiquent mon oeuvre sans complaisance, avec leurs microscopes foireux et leurs scalpels rudimentaires. Ils m'accusent de détourner l'information, de travestir la vérité. Mais bon sang, c'est mon credo ! Je ne suis pas naturaliste, ni observateur objectif, non, je suis romancier et j'invente. Mais je n'invente pas plus qu'un journaliste, sauf que pour lui c'est bien plus grave. J'ai vu le sphinx, les temples somptueux, les pyramides, j'ai ressenti dans ma chair les frissons le l'histoire, les civilisations, tout cela vibre dans l'atmophère de l'Egypte, tout là-bas est grandiose, écrasant, spirituel. Mais tout cela ne vaut pas l'encre qu'il faut pour l'écrire si on ne voit pas les hommes et les femmes qui y vivent, les enfants, les souffrances, les joies, les larmes, le quotidien en somme.
Il faudrait obliger le bourgeois qui visite l'Egypte à traverser l'hôpital de Caserlaïneh ou celui de l'Esbekieh avant de monter sur une felouque pour descendre ou remonter le Nil lascivement, comme du gras sur de l'eau courante. Je te passe la puanteur, l'horreur des détails, les turbans collés aux plaies, dissimulant à peine les lèpres blanchâtres. Les fous qui hurlent dans leurs cellules, les vieux qui pleurent et qui supplient pour qu'on leur coupe un bras malade ou une jambe pourrie et les chiens faméliques qui viennent lécher les pansements ensanglantés. Nos hôpitaux sont des palais auprès de ces endroits lamentables. Il faudrait traîner la-dedans ces cabots et ses rentierss et les attacher toute une nuit à un pestiféré pour qu'ils acquièrent, au petit matin, le droit de poursuivre leur périple la tête haute.

 L'OURS Pages de 63 à 64

Mots-clés : , , ,



Suzanne :
- Du nerf bon d'la ! Relevez donc la tête un peu, les gens sont bien plus précieux que votre littérature. Vous feriez bien mieux de vous préoccuper de votre Caroline, elle est votre famille bon sang.
Gustave :
- Là, tout de suite, je ne me reconnais qu'un seul enfant, c'est Guy. Mais c'est un fils du domaine du spirituel. Malheureusement, quoi qu'il en dise, et quoi qu'en dise sa propre mère, il n'a plus besoin de mon aide désormais. Mais quel génie, ses textes sont si bons, si originaux, si intelligents qu'il n'a besoin de personne et surtout pas de ma sulfure.
Suzanne :
- On va l'adorer, il sera notre plus grand écrivain... Après vous bien entendu. Quel bel homme !
Gustave :
- Ah bon ! Tu as lu Maupassant ?
Suzanne :
- Dame... Euh ! Non bien sûr, j'ai rien lu, mais il est si fort, si beau garçon.
Gustave :
- Allez ! Coup de théâtre à Croisset ! Voilà qu'on mesure le talent à l'apparence aujourd'hui, et dans cette maison, par-dessus le marché. Sache ma mignonne que la renommée d'un homme ne s'estime pas à sa notoriété publique ou au diamètre de ses bras et à la longueur de ses plongeons. Avant de pérorer il faut bâtir.
Suzanne :
- Ne vous moquez pas de lui. Monsieur Guy vous vénère comme un père, comme un dieu. Et surtout il n'aime pas vous voir vous reclure ici tout l'hiver.
Gustave part dans l'un de ses grands rires :
- Vénère !  Suzanne, je dois te reconnaître un don, tu sais choisir les mots que tu n'inventes pas ! 
Suzanne ne comprend rien à l'allusion :
- Ben là, il faudra me dire ce qui vous met dans cet état.
Gustave :
- Je te parle d'associer "vénèrère" et Maupassant, c'est digne des plus grands comiques. Maupassant est bourré de talent, et je trouve ça encourageant et réconfortant quand on connaît les sepiternelles coucheries de sont père et les affreuses crises de sa pauvre mère. Pauvre jeune imbécile, il se vante aujourd'hui, à qui veut l'entendre, d'avoir attrapé la "grande vérole"... Quel prétentieux ! Attention, il ne parle pas de la chaude pisse éphémère des petits ecclésiastiques de province, non non, mais de celle des grands princes de l'église, de François 1er, la grande vérole de la Renaissance, toute enluminée et dorée sur tranche. La royale vérole ! Ah ça, pour sûr, maintenant il est tranquille, à l'abir des surprises, il ne risque plus jamais de l'attraper, elle le dévore ! Maupassant, ma belle Suzanne, puisque tu n'as pas l'air de comprendre, est un génial queutard. Génial, bravo ! Intrépide, sans concession, tout cela est à mettre à son actif. Maupassant écrit comme on saute ou comme on plonge, je l'envie. On veut lui faire un procès pour ce texte inoffensif, son histoire de lavandière qui offre généreusement ses seins, qui se renverse dans l'herbe et qui râle quelques dizaines de fois sous les caresses d'un poète audacieux. C'est une nouvelle preuve que les procureurs se sont bons qu'à jouir dans leurs dossiers. La terre a des limites mais la connerie humaine est infinie. Ce qui est beau est forcément moral, voilà tout ! Et si on devait demain interdire ce poème de Maupassant, il faudrait aussitôt censurer tous les classiques, les grecs, les latins, tous sans exception, et ensuite shakespeare, Goethe, Byron, Cervantès, Rabelais, Corneille, Molière. Comme si les tribunaux avait pour seule mission de déclarer obscène ou pas l'oeuvre d'un artiste. Quant au Maupassant queutard, quel dommage ! Trop empressé le petit, trop assoiffé de jeunesse et de nouveautés. Il faut goûter le liquide avant d'étancher sa soif à des sources exotiques, aussi pures qu'en soient apparemment les eaux. Je lui ai dit cent fois, il peut me croire, j'ai l'habitude de ce genre d'expérience. Heureusement pour lui, il a de l'union sacré un avis qui me plait. J'aime lorsqu'il dit du mariage que c'est souffrir des mauvaises humeurs le jour et des mauvaises odeurs la nuit. 
Suzanne :
- C'est un peu facile, de ce moquer de Monsieur Guy, vous faites le beau, vous phrasotez sur de grands airs, vous prenez goût à vous ficher de la bouille de tout le monde, de moi, de vos amis et même de votre famille. Vous mériteriez un bon coup de torchon, pour pour un sale gamin morvioteux qui agace.
Gustave :
- Oh ! Mais te voilà blessée ma pauvre Suzanne. Que tu es belle agressés, comme elle se soulève ta poitrine sous l'exhortation.
Suzanne :
- Je sais bien que je ne suis pas très jolie. Les juppes rapées et les accrocs dans les bas n'attirent pas le regard comme les robes ravissantes et d'ailleurs je n'ai pas de poitrine, je suis plate comme un trottoir.
Gustave :
- Tant mieux ! J'aime ça ! Bouilhet disait qu'on est plus près du coeur quand la poitrine est plate. Moi je te dis que tu es belle et que je serais racommodé avec le genre féminin, apaisé et bienheureux si je devais mourir tout de suite et ne plus rien voir d'autre que toi. Mais ne t'emporte pas à chaque mot non plus. Je gronde comme un orage d'été mais lorsqu'il a éclaté, l'atmosphère est moins lourde, moins suintante. Allons ! Pardonne moi.

Plus d'articles :

Réclame




ICI PROCHAINEMENT




Ouverture d'un Musée !

Archives


Mais cliquez nom d'une pipe !

Une galerie de photographies top


Toujours en magasin


Avis à la population !

Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un
contrat Creative Commons.
L'Ours & le tuliper, texte original déposé d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
.
Toutes les photos publiées sont originales.