Mots-clés : Flaubert - Suzanne - second rôle
Rien avec un piaf sur le côté droit.
« Eugène est-ce que j’ai grossi ? Est-ce que je deviens bedaine et commun à faire vomir, est-ce que j’entre dans la classe de ceux avec qui la putain est embêtée de piner ? » Ainsi commençait le grand monologue de A. Bédouet de Gustave et Eugène, le texte même qui en son temps inculqua à PhY le syndrome Flaubert. Puis Flaubert pestait pendant une heure quarante sur le dos de la pauvre Louise, muse puis maîtresse, puis fardeau, sur le dos de Lamartine lors une tirade mémorable qui s’achevait comme un flamenco, debout sur une table, puis sur le dos de tout ce qui pouvait prêter le flan à son exaspération...
PhY proposa 30 pages à son « commanditaire ». L’immmmense J.
- « Bien, très bien, tu es dans le ton, ne traînes pas il faut faire vite. »
Youpi ! Et on continua à alimenter le monologue.
PhY avait choisi le parti pris suivant : Flaubert, réfugié à Croisset, la maison familiale des bords de Seine, à Canteleu, arrivait lentement au terme de son existence. Effectivement, pour englober le maximum d’évènements, il était impératif que l’action se passât vers la fin de sa vie, 1878-79. L’argent manquait cruellement, autour du personnage les deuils successifs s’apparentaient « à une véritable hécatombe », la maladie (l’épilepsie) récurrente planait en permanence sur le bonhomme et les dégâts de la vieillerie rongeaient son os, impitoyablement.
Flaubert n’a plus que quelques pauvres dents gâtées, sa bouche est noircie par les médicamentations à base de brome qui lui sont prescrites, il est couvert de furoncles extrêmement douloureux. Il fait le point à cet instant sur son existence.
50 pages étaient alors disponibles, prêtes à être soumises au couperet du grand acteur.
- « Je n’ai pas lu complètement ton manuscrit mais il y a du changement. »
Ah bon ? On en fait un film ? On peut toujours rêver.
-«Trop de monologues, de seul en scène en ce moment à Paris, il faut que tu rajoutes un petit rôle, qu’on soit deux sur scène. »
Effectivement, dans les théâtres de la capitale, chacun y allait de sa prestation. Balmer devait jouer un Baudelaire, Huster se produisait en solitaire avec un texte sur Kafka et Trintignan faisait des lectures maussades et sinistres.
PhY posa la question : « Quand tu dis un petit rôle, c’est juste quelques mots ou quelque chose de plus consistant ? »
-« Un tout petit rôle, n’en fais pas trop. »
PhY s’imaginait déjà réécrivant un nouveau Sganarelle, rien de plus difficile qu’un second rôle qui ait vraiment une épaisseur en mettant son maître Don Juan en évidence. Du calme mon garçon, il y a autant de distance entre toi et Molière qu’entre la terre et la prochaine planète habitée.
L’une des options envisageables pour le second rôle était la brave Julie. Toujours au service de Flaubert, l’infatigable Julie (de son vrai patronyme Caroline Béatrix Herbert ) veillait sur la famille et sur le cher homme depuis 1825, Gustave avait alors 4 ans. Julie avait toujours su gérer son bon et cher Gustave, ses moments de fragilité, ses humeurs, son rythme de travail mais également sa maladie, les terribles crises d’épilepsie qui le terrassaient parfois. Mais Julie était âgée et si totalement dévouée à Flaubert qu’elle ne constituait finalement pas la meilleure piste.
Dans les correspondances, Gustave site une ou deux fois une certaine Suzanne, qui aurait vers les dernières années remplacé la chère Julie.
PhY répondait à nouveau présent et créait le rôle de Suzanne la petite bonne normande.
PhY
Voxpopuli
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