Mots-clés : Ours, Tuliper, Canteleu
Depuis l’appel de J., près de six mois déjà écoulés. L’urgence des premières heures n’était plus qu’un lointain souvenir mais PhY voulait s’y accrocher comme la bernique sur son rocher. Lecture après lecture, Flaubert prenait dans la vie de PhY une place de plus en plus importante, il lui semblait même partager avec Gustave, les hauts et les bas qui semblent animer ceux qui tentent d’écrire à la manière des poupées de Nuremberg, ces petites poupées qui agitent les bras et les jambes lorsqu’on tire la petite ficelle qu’elles portent sur la tête.
Mais écrire n’est pas le métier de PhY, il lui fallait donc rassembler ses esprits, ses notes, ses sentiments à l’issue d’une longue journée de labeur, c’était donc la nuit, à la manière du Maître, que s’organisait beaucoup plus modestement la future pièce écrite sur mesure pour le grand J.
Pour l’écriture, Suzanne avait un avantage par rapport à Julie, elle ignorait tout de la maladie de Gustave. Seule Julie avait eut la lourde tâche de subir les crises et surtout d’être présente au retour de celles-ci. Mais grâce à cette tâche, la brave Julie s’était rendue indispensable et Gustave l’aimait et elle aimait Gustave. Suzanne elle, se trouverait totalement dépourvue face à une telle crise et son rôle en serait d’autant plus intéressant.
Quelques semaines passèrent à nouveau, sans aucune nouvelle de J. PhY continuait d’enquêter, de rédiger, de ciseler.
Durant l’été, PhY et J. se rencontrèrent dans l’air iodé d’une station balnéaire finistérienne. Il y eu un dîner durant lequel J. annonça :
-« Tu sais, j’ai demandé la même chose à plusieurs personnes, vous êtes au moins deux à traiter le même sujet. »
PhY tomba à nouveau sur le cul la neige en moins. Qui est l’autre demanda t’il tout en s’efforçant d’avoir l’air de trouver ça normal ?
-« Une femme, c’est A.S., femme d’un chanteur bien connu, elle a une très belle plume. »
Pour la deuxième fois de cette histoire, PhY était sur son cul et il senti très précisément le coup de marteau que J. venait de lui asséner sur le crane.
-« Je te ferai lire son manuscrit, tu me diras ce que tu en pense »
J’en pense que c’est une merde ! Les mots étaient bloqués dans la gorge de PhY, connaissant l’identité de « l’autre », il faisait aucun doute que quelque soit la qualité comparée des deux textes celui de A.S. serait obligatoirement le mieux placé, l’intérêt que porteraient les médias à une association J. A.S. serait certainement plus profitable au projet.
PhY avait son titre il lui explosait dans la tête comme lui explosait au nez les grands projets échafaudés lors de ces longs mois de rêve : L’ours et le tulipier.
L’ours était Flaubert, c’était ainsi que le nommait une grande partie des gens de Canteleu et le tulipier, le grand arbre décoratif à travers les branchages duquel Gustave voyait les paysages alentour, les saisons, entendait les sons de la campagne et les résonnances du monde.
La motivation avait du plomb dans l’aile mais l’écriture continua malgré tout. L’ours et le tulipier prenait sa forme avec plus de précision.
Voxpopuli
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