Après un long moment d'absence Gustave émerge enfin de son évanouissement :
- Julie !
Sa voix est si faible, puis plus fort :
- Julie ! Ah, j'ai si chaud !
Il hurle :
- Julie , Julie !
Suzanne accourt enfin, alertée par l'appel.
- Monsieur Flaubert, oh ! Que ce passe t'il ? Oh seigneur, Jésus Marie Joseph, m'sieur Flaubert !
Gustave est en nage :
- J'étouffe, vite !
Suzanne s'agenouille près de Gustave :
- Je suis là, M'sieur Gustave, tout près de vous, ça va aller.
Gustave :
- Aide-moi... La cravatte !
Suzanne tente de relever le buste de Gustave pour l'aider à respirer. Elle l'appuie contre elle, dénoue sa cravatte et ouvre son gilet et sa chemise.
- Doucement, doucement, reprenez votre souffle, voilà, c'est bien, respirez, respirez
Gustave respire bruyamment puis sa respiration redevient lentement normale.
- Oui, doucement ! Doucement. Toute la pièce danse devant mes yeux.
Suzanne se sent soulagée de voir Gustave reprendre quelques couleurs.
- Vous revenez ! Bon sang, comme vous m'avez fait peur.
Gustave :
- Je n'aime pas la danse, pas du tout du tout.
Suzanne se sert de la cravatte pour essuyer le front et les tempes de Gustave.
- Restez tranquille maintenant, tâchez d'aspirer calmement, je vais allez chercher le docteur Tourneux.
Gustave semble paniquer, il s'accroche à elle :
- Non ! Non, reste là.
Suzanne :
- Vous agitez donc pas tant, on dirait que vous êtes hanté.
Gustave s'apaise :
- Ne t'inquiète pas, ça va passer.
Suzanne :
- Oui c'est possible mais en attendant je serai plus tranquille si le docteur venait vous voir.
Gustave :
- J'ai encore eu cette vue jaune que je déteste, cette lueur de bougie qui papillonne derrière mes paupières.
Suzanne :
- Dieu du ciel, quand je pense que vous auriez pu vous tuer en tombant sur cette table.
Gustave reprend ses esprits, il est toujours dans les bras de Suzanne :
- Ah ! Tu penses que j'aurai pu me tuer en mourant ?
Suzanne :
- Ben oui pardi ...!
Gustave :
- Alors c'est que je reviens de bien plus loin que je pensais.
Suzanne
- Il fallait que ça arrive aujourd'hui que je suis toute seule. Sapristi, on ne devrait jamais rester toute seule dans cette grande baraque.
Gustave :
- As-tu déjà essayé un cercueil ?
Suzanne reste bouche bée :
- Dame non... Pas récemment ! Ben non enfin ! Voilà autre chose... !
Gustave :
- C'est l'impression que ces crises me donnent, tous les bruits s'étouffent et soudain pof ! C'est le couvercle capitonné qui se referme en claquant...
Suzanne :
- Buvez un peu d'eau.
Gustave :
- ... Et en me plongeant dans l'obscurité. !
Suzanne :
- J'vous jure, essayer un cercueil ! Faut être un peu dérangé quand même, sauf votre respect...Comme si les gens n'avaient que ça à faire toute la sainte journée...
Gustave :
- Et pof ! Dans les pommes !
Il veut essayer de tenir le verre que lui propose Suzanne mais sa main tremble furieusement.
Suzanne :
- Mais je vous le tiens, laissez-moi faire.
Gustave :
- Ne crains rien, chère Julie, je garde cette maladie parce que ça fait bon genre, mais... Mais ce n'est pas grave.
Suzanne :
- C'est pas Julie, pas M'sieur, c'est Suzanne.
Elle tente de soulever Gustave
Gustave :
- Ne t'éreinte pas, allez, tu ne pourras jamais me soulever.
Suzanne :
- C'est sûr, j'ai l'impression de redresser une charette ; je ne suis pas assez forte.
Gustave :
- Vas prendre quelques coussins là-bas ! Tu vas me caler avec.
Suzanne :
- Oui M'sieur, et tout à l'heure, quand vous vous sentirez un brin mieux, je vous aiderai à vous installer sur votre divan.
Elle revient avec quelques coussins, elle les tape avant de les disposer derrière Gustave.
Gustave :
- Prends en soin, Julie, bon Dieu, ils viennent de loin et chacun d'entre eux a une histoire.
Suzanne installe les coussins de manière à relever Gustave :
- C'est Suzanne je vous dis ! Et depuis l'temps, vous pensez bien, ils ont été battus vos coussins.
Gustave :
- ça se dissipe enfin.
Suzanne :
- Votre visage reprend quelques couleurs, pas, je vais vous apportez du rechange et je vous aiderai, si vous voulez.
Gustave :
- Qu'est-ce que tu veux faire ?
Puis réalisant qu'il est mouillé d'urine ..
- Oh ! Bon Dieu, encore une fois ! Quel déclin ! Je me fais honte. Je voudrais ne pas m'être réveillé.
Suzanne :
- Comment faut-il faire ? Dites-moi, n'ayez crainte.
Gustave :
- Je deviens tellement pitoyable. Je me fais honte. Veux-tu prendre un gant bien humide et quelques serviettes.
Suzanne s'apprête à sortir, Gustave la rappelle :
- Et prends aussi une chemise et mon pantalon rayé, dans la chambre. S'il te plait.
Voxpopuli
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