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Je vous recommande vivement
PHOTOSMATONS

Le blog très réussi d'une passionnée
qui vous fera très probablement découvrir
de jeunes photographes très talentueux
et reviendra également sur les plus emblématiques

Pour ma part, découvert cette année
Saul LEITER photographe américain
né à Pittsburg en 1923
SAUL LEITER


Paolo VENTURA Italien
un monde de poésie photographique
sur le coin d'une table.
PAOLO VENTURA


L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.

L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page.

PhY de Pont

 L'OURS Pages 23 à 25

Note : 2.5/5 (13 notes)

 

Mots-clés : ,



Suzanne revient dans le bureau de Gustave avec un grand panier d'osier rempli de linge :
- Demain, si vous voulez, je vous ferai un bon ragoût d'veau avec du chou, et pis un pommé aussi, pour vous requinquer.
Gustave :
- Ah bonne idée. Il faudrait partir à l'heure de son choix, tiens, comme le bon docteur Mathurin en décidant de sa mort et en hurlant à ceux qui restent : "Allez messieurs, amusez-vous bien !".
Suzanne :
- Ne vous tracassez donc pas pour rien, allez ! Vous aurez beau vous cacher ou pleurnicher dans les jupes de votre Julie, quand la mort viendra elle ne vous laissera pas le choix. Elle saura bien vous trouver et vous prendre et elle aura encore moins de mal si vous êtes caché dans votre foutu cercueil. Et quand l'heure sonne... Elle sonne. Mathurin ou pas Mathurin !
Gustave :
- Tu es vraiment rassurante dans ton genre. Mais tu dois avoir raison, c'est là, dans la tête. D'ailleurs je n'ai jamais entendu un paysan se plaindre d'une douleur sans qu'il ne la ressente réellement.
Il tapote sa tempe de son index :
- Moi ça me rend fou. Quand j'écris, c'est une torture infernale que des situations que mon esprit cogite et que ma main n'arrive pas à transcrire avec des mots. Que veux-tu ? Il me faut à peu près un quart de vie pour écrire un seul bouquin et par dessus le marché, quand il est achevé, je m'angoisse en me demandant si il est vraiement abouti. Ce que je voudrais simplement c'est d'avoir le temps d'écrire tout mon saoul. Et ensuite seulement, j'accepterai que vienne la mort. C'est quand même pas très compliqué. Il faudrait, pour bien faire que les heures passées à écrire soient décomptées de la grande horloge de la vie. Tu m'écoutes ou quoi ... ?
Suzanne qui pliait son linge sursaute !
... C'est de ma vie dont je te parle ! Je t'explique ce mal qui m'obsède et dont je me nourris malgré tout, comme un grand maraudeur de chien blessé et affamé qui lape dans la mare de son propre sang.
Suzanne, sans se préoccuper du ton de sa voix s'approche de Gustave et lui passe un linge propre et frais sur le visage :
- Si vous continuez comme ça vous allez réellement réussir à me faire peur avec vos idées macabres. Regardez vous donc, vous êtes encore en nage et tout blanc, on dirait un faux col. A quoi ça avance ti ?
Gustave :
- J'ai souvent l'impression d'avoir passé mon enfance dans un abattoir. Parfois je me sens comme une de ces pauvres vaches avec la langue tirée qui pend sur le côté et ses propres tripes multicolores qui traînent sous elle. Ah ! Les regards de leurs gros yeux ronds ,encore épouvantés, à travers les vapeurs tièdes et nauséabondes.
Suzanne :
- Ce ne sont que des regards, elles ne souffrent plus.
Gustave se redresse :
- Elles ne souffrent plus ? Tu parles ! C'est une nouvelle philosophie ou quoi ? Elles ne souffrent plus !! Es-tu bien certaine de savoir ce qu'est la mort ?
Suzanne :
- Et bien je, je...
Gustave :
- Je, je, tu, tu.... ! Qui t'a dit que dans la mort, pour n'avoir pas de manifestation l'âme n'avait plus de conscience ?
Suzanne :
- Ben, dame, j'en sais rien ! Personne.
Gustave :
- Qu'elle ne sentait pas, goutte à goutte, atome à atome, la décomposition successive de ce corps qu'elle animait ? Comment sais-tu que le bruit des clous qui s'enfoncent dans le chêne ou le sapin lui est indifférent ?
Suzanne s'agace un peu :
- J'en sais rien là, j'en sais rien j'vous dit..!
Gustave continue sa théorie :
- Qu'est-ce qui te dit que les cadavres ne souffrent pas à chacune des morsures de tous les vers qui les rongent ?
Suzanne :
- Mais enfin, il n'y a que vous pour poser toutes ces questions.
Gustave :
- J'ai vu tant de fantômes, à Rouen. La maison que nous habitions donnait dans la cours de l'hôpital. Je suis né au beau milieu de cadavres, dans un monde de tripes et de viscères. J'étais trop jeune pour m'en rendre compte mais j'ai sûrement vu, à l'époque, à travers les soupirails de l'Hôtel Dieu, les plus belles femmes de Rouen et des environs, avachies sur les tables de l'amphithéâtre, les boyaux sur le nez, une jambe écorchée jusqu'à l'os et la moitié d'un cigare éteint coincée entre les orteils.
Suzanne :
- Vos jeux de petiots étaient bien étranges, M'sieur Gustave, et dégoûtants.

Commentaires

havane

Le père disséquait les corps. Le fils désossait les phrases. Le père oubliait cependant de tout remettre en ordre. Elle a raison Suzanne , il avait de drôle de jeux le petiot. Suzanne devrait l'envoyer paître. Mais Suzanne est trop bonne !

 

 

Re: havane

Tu as en partie raison Ô honorable anonyme, mais le père Flaubert, (Achille-Cléophas) était quand même l'un des meilleurs médecins de sa génération, je crois même qu'il fut à l'origine des soins gratuits à l'extéreur des hôpitaux, les visites gratuites en fin de compte. Il fut également très ferme sur le comportement des étudiants en médecine qui suivaient ses cours d'anatomie, il voulait qu'ils soient irréprochables et respectueux envers les dépouilles. 
PhY

 

 

Re: havane

sigmund,


Le père disséquait les corps. Le fils désossait les phrases.

C'est très joliment tourné, mais en l'occurence ça ne me semble pas vraiment pertinent: on ne peut reprocher à Flaubert d'avoir aligné une syntaxe désarticulée, bien au contraire.
Son écriture m'a toujours semblé très structurée, parfois plus complexe que le jeu des alambics de Conan Doyle. Ses phrases qui, sans ressembler à celles de Dostoievsky n'en finissent plus de s'étaler en propositions ponctuées  alors que chacune de ses démonstrations est au contraire directe, les noms entourés d'adjectifs simples, les paragraphes qui te tombent sur le paletot comme une cascade que rien ne va interrompre.
Et pourtant malgré ça on n'est pas dans du Balzac, à cause de cette fluidité, cette impression d'aisance qui manquait au célèbre buveur de café, ni dans les affres pleines de coco (tiens, sigmund, justement, tes fameux carnets!) et d'absinthe de Dumas.
Bref, ce que j'en dis moi...

 

 

désossons,désossons

Voilà encore une fois la démonstration de mon incapacité à me faire comprendre clairement :-)

Je voulais dire que Gus reprenait sans cesse ses phrases jusqu'à ce qu'il eût le sentiment qu'elles étaient parfaites. Il désossait, décortiquait, détricotait,,gueulait même à haute voix. Alors, après ce travail de dissection, il reconstruisait, restructurait pour atteindre la limpidité, la fluidité. Nous somme donc d'accord

L'autre opinion question que j'exprime est, elle, carrément farfelue mais j'aime les choses farfelues. J'imagine le petiot regarder les corps dévissés et se poser naivement la question : Pourquoi ils ne la refont pas vivre la dame ? Pourquoi ils ne la répare pas ? L'analogie avec l'écriture m'apparaît. Décortiquer la prase pour la reconstruire, encore plus belle


 

 

Re: désossons,désossons

Non, ce n'est pas la démonstration de ton incapacté à te faire comprendre (la preuve en est que tu relates très bien le processus créatif de Gugusse).
C'est plutôt la démonstration que les discours sur le fond et la forme se chevauchent perpétuellement, engendrant imbroglio, quiproquo et kezaco (sans parler de ma mauvaise foi, reconnue d'utilité publique sous la Présidence de René Coty).
L'opinion question que tu exprimes est fascinante, dans un contexte de paix et dans l'abstraction qui nous fait parfois croire que la mort est immobile.
Ça me rappelle "L'efficacité des rouges" de feu Bernard Lamarche-Vadel, dont le père était un vétérinaire sadique qui obligeait sa fille et son fils à tenir les animaux qu'il opérait ou disséquait. Un livre remarquablement écrit, plein de fougue, riche de tournures et de phrases brûlantes, dérangeantes, démangeantes.

 

 

Re: désossons,désossons

Effectivement, c’est tout à fait ça, il peut y avoir une similitude entre les dissections anatomiques du père et celles sémantiques du fils. Tout à une cause paraît-il ? Mais les spectacles que regardaient Gustave et sa petite sœur Caroline à travers les grilles des soupiraux  étaient parfois extrêmement  pénibles. Le garçon de salle, le fameux Mirabeau, n’est pas une invention. C’était un simplet employé par l’hôpital de Rouen. Il poussait les brancards sur lesquels on disposait les corps à peine froids en vue de la dissection. On retrouve dans certaines notes des précisions sordides. Je cite de mémoire : « Mirabeau, débile chantant, écumait les corridors humides et les sous-sols de l’hôpital en poussant ses sinistres brancards de la morgue vers l’amphithéâtre. Il propulsait les corps en chantant, bousculant les deux battants de la porte de l’amphithéâtre du bout de ses civières, manquant à chaque occasion de verser avec la dépouille. Les étudiants l’accueillaient avec bonheur. Lorsque le sujet était une femme, moyennant quelques soles ou une tasse de café, il baissait son pantalon et écartant les jambes de la victime, s’adonnait à des pratiques qui les réjouissaient tous. Ils l’encourageaient en tapant en rythme sur les écritoires. Parfois les étudiants lui faisaient une farce et lui présentaient, alors qu’il soufflait comme un bœuf sur le corps, la tête de la victime qu’ils avaient décapitée. Cela lui mettait des terreurs indescriptibles et il s’enfuyait en hurlant » Il est dit aussi dans d’autres textes que le Docteur Flaubert qui succédait au professeur Laumonier ( qui était par la même occasion le père adoptif de la future épouse du Dc Flaubert) fit cesser le comportement révoltant et déshonorant des étudiants en médecine.
 
PhY

 

 

Re: désossons,désossons

je soussigné leblase, huissier à truc en daube, certifie pour l'avoir entendu réciter des seaux entiers de vers et dialogues divers, que le sieur Phy de Pont a une sacrée mémoire.

 

 

Re: désossons,désossons

Merci leblase de cette objectivité officinale

PhY

 

 

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L'Ours & le tuliper, texte original déposé d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
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