Mots-clés : abattoir, hôpital de Rouen
Suzanne revient dans le bureau de Gustave avec un grand panier d'osier rempli de linge :
- Demain, si vous voulez, je vous ferai un bon ragoût d'veau avec du chou, et pis un pommé aussi, pour vous requinquer.
Gustave :
- Ah bonne idée. Il faudrait partir à l'heure de son choix, tiens, comme le bon docteur Mathurin en décidant de sa mort et en hurlant à ceux qui restent : "Allez messieurs, amusez-vous bien !".
Suzanne :
- Ne vous tracassez donc pas pour rien, allez ! Vous aurez beau vous cacher ou pleurnicher dans les jupes de votre Julie, quand la mort viendra elle ne vous laissera pas le choix. Elle saura bien vous trouver et vous prendre et elle aura encore moins de mal si vous êtes caché dans votre foutu cercueil. Et quand l'heure sonne... Elle sonne. Mathurin ou pas Mathurin !
Gustave :
- Tu es vraiment rassurante dans ton genre. Mais tu dois avoir raison, c'est là, dans la tête. D'ailleurs je n'ai jamais entendu un paysan se plaindre d'une douleur sans qu'il ne la ressente réellement.
Il tapote sa tempe de son index :
- Moi ça me rend fou. Quand j'écris, c'est une torture infernale que des situations que mon esprit cogite et que ma main n'arrive pas à transcrire avec des mots. Que veux-tu ? Il me faut à peu près un quart de vie pour écrire un seul bouquin et par dessus le marché, quand il est achevé, je m'angoisse en me demandant si il est vraiement abouti. Ce que je voudrais simplement c'est d'avoir le temps d'écrire tout mon saoul. Et ensuite seulement, j'accepterai que vienne la mort. C'est quand même pas très compliqué. Il faudrait, pour bien faire que les heures passées à écrire soient décomptées de la grande horloge de la vie. Tu m'écoutes ou quoi ... ?
Suzanne qui pliait son linge sursaute !
... C'est de ma vie dont je te parle ! Je t'explique ce mal qui m'obsède et dont je me nourris malgré tout, comme un grand maraudeur de chien blessé et affamé qui lape dans la mare de son propre sang.
Suzanne, sans se préoccuper du ton de sa voix s'approche de Gustave et lui passe un linge propre et frais sur le visage :
- Si vous continuez comme ça vous allez réellement réussir à me faire peur avec vos idées macabres. Regardez vous donc, vous êtes encore en nage et tout blanc, on dirait un faux col. A quoi ça avance ti ?
Gustave :
- J'ai souvent l'impression d'avoir passé mon enfance dans un abattoir. Parfois je me sens comme une de ces pauvres vaches avec la langue tirée qui pend sur le côté et ses propres tripes multicolores qui traînent sous elle. Ah ! Les regards de leurs gros yeux ronds ,encore épouvantés, à travers les vapeurs tièdes et nauséabondes.
Suzanne :
- Ce ne sont que des regards, elles ne souffrent plus.
Gustave se redresse :
- Elles ne souffrent plus ? Tu parles ! C'est une nouvelle philosophie ou quoi ? Elles ne souffrent plus !! Es-tu bien certaine de savoir ce qu'est la mort ?
Suzanne :
- Et bien je, je...
Gustave :
- Je, je, tu, tu.... ! Qui t'a dit que dans la mort, pour n'avoir pas de manifestation l'âme n'avait plus de conscience ?
Suzanne :
- Ben, dame, j'en sais rien ! Personne.
Gustave :
- Qu'elle ne sentait pas, goutte à goutte, atome à atome, la décomposition successive de ce corps qu'elle animait ? Comment sais-tu que le bruit des clous qui s'enfoncent dans le chêne ou le sapin lui est indifférent ?
Suzanne s'agace un peu :
- J'en sais rien là, j'en sais rien j'vous dit..!
Gustave continue sa théorie :
- Qu'est-ce qui te dit que les cadavres ne souffrent pas à chacune des morsures de tous les vers qui les rongent ?
Suzanne :
- Mais enfin, il n'y a que vous pour poser toutes ces questions.
Gustave :
- J'ai vu tant de fantômes, à Rouen. La maison que nous habitions donnait dans la cours de l'hôpital. Je suis né au beau milieu de cadavres, dans un monde de tripes et de viscères. J'étais trop jeune pour m'en rendre compte mais j'ai sûrement vu, à l'époque, à travers les soupirails de l'Hôtel Dieu, les plus belles femmes de Rouen et des environs, avachies sur les tables de l'amphithéâtre, les boyaux sur le nez, une jambe écorchée jusqu'à l'os et la moitié d'un cigare éteint coincée entre les orteils.
Suzanne :
- Vos jeux de petiots étaient bien étranges, M'sieur Gustave, et dégoûtants.
Qui vaut le coup
Je vous recommande vivement
PHOTOSMATONS Le blog très réussi d'une passionnée qui vous fera très probablement découvrir de jeunes photographes très talentueux et reviendra également sur les plus emblématiques Pour ma part, découvert cette année Saul LEITER photographe américain né à Pittsburg en 1923 SAUL LEITER Paolo VENTURA Italien un monde de poésie photographique sur le coin d'une table. PAOLO VENTURA Pour s'y retrouver.
|
L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.
L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page. PhY de Pont
|
Archives
Liens qui sont bien
Mais cliquez nom d'une pipe !Une galerie de photographies top Toujours en magasinAvis à la population !L'Ours & le tuliper, texte original déposé d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
. Toutes les photos publiées sont originales. |
Voxpopuli
→ plus de commentaires