Mots-clés : Mirabeau, La Havane
Gustave :
- Pourquoi étrange ? Ce n'était rien d'autre que la vie qu'on scrute, qu'on étudie, rien de plus étonnant ni de plus stupide d'ailleurs que la recherche de la compréhension du miracle de l'existence. Je voyais tous les jours ces savants des temps modernes, et parmi eux mon brave père, encore lui, piocher dans les corps comme on feuillette dans une encyclopédie inachevée, avec une fantastique curiosité et une étrange délectation. Ma soeur et moi passions des heures, cachés dans les obscurs corridors de l'hôpital, à épier les va-et-vient de Mirabeau, le garçon de salle, un pauvre crétin qui apportait en chantant les dépouilles à peine froides. Nous étions effrayés et fascinés en même temps.
Suzanne :
- Je veux bien vous croire.
Gustave :
- Je peux bien t'assurer qu'aucun de ces cadavres que j'interrogeais du regard ne s'est jamais levé pour m'expliquer la suite du voyage. Je m'en serais souvenu ! Aucun des miens n'est revenu non plus pour me raconter ce qui se passait dans l'au-delà et crois moi, ça a été autour de moi une épouvantable hécatombe.
Suzanne :
- Après la mort, ce qui arrive c'est tout simple, vous paraissez devant le bon Dieu et tous les saints et là, y fait bon être humble et pas raconter des romans. Il n'a pas besoin de vous scruter ou quoi que ce soit, vous serez transparent comme de l'eau.
Gustave :
- J'ai aujourd'hui le coeur comme une nécropole et elle résonne sans cesse du bruit des souliers ferrés des croques-morts. Quand j'étais jeune j'avais déjà le pressentiment d'être né avec au fond de moi toute la perception de l'existence ; c'était comme une odeur de cuisine nauséabonde qui s'échappe par une fenêtre ; on n'a pas besoin d'en avoir goûté pour savor que cette tambouille sera à vomir et que cette soupe, avec tout ces cheveux dedans c'est la vie et que de toute façon il faudra bien la manger.
Suzanne :
- Mais qu'est-ce que vous cherchez à faire cré non de non ! Je ne pourrai plus jamais regarder dans un garde manger ni ouvrir un placard ou pousser une porte sans voir les horreurs que vous me dites.
Gustave se rend compte que ses propos font réelement peur à Suzanne.
- N'aie pas peur va, ce ne sont que des mots et tous les mots réunis sont un peu comme les pierres d'un édifice mystérieux et effrayant, mangé par la végétation et les lianes. Pour peu que la lumière s'y mette alors l'ensemble bouleverse, terrorise, fait naître des peurs ancestrales et incontrôlables. Mais sinon, individuellement, "vie", "cheveux", "soupirail", "soupe" et "manger" ne déclenche pas d'effrois particuliers. Si ?
Suzanne :
- C'est la façon que vous avez de causer. Il faut toujours que vous ajoutiez ces grondements de tonnerre dans votre voix. Mais je sais très bien que vous n'êtes pas comme vous voulez paraître et vos colères ne me font pas plus d'effet qu'une pluie. Vous croyez que je ne vous connais pas ?
Gustave :
- En fin de compte, je suis ton sujet d'étude, ton thème de dissertation.
Suzanne :
- Vous ressemblez tant à mon père, il était moins grossier que vous, peut-être parce qu'il y avait ma mère et qu'elle le reprenait. Dieu bénisse son âme et celle de ma pauvre mère. Il était bon, pour sûr, mais tout aussi grognon que vous, toujours à râler et à jurer après tout et rien.
Gustave :
- Ah ! Ah ah...! Je te démasque enfin, depuis tous ces jours tu m'étudies comme un anthropologue, tu m'observes comme un chasseur, tu es embusquée au point d'eau, à l'affût ma chère Julie.
Suzanne s'emporte :
- Suzanne !! Je suis Suzanne que je vous dis depuis une heure. Julie n'est pas là ! Elle est dans sa famille. Et je ne comprends rien à ce que vous me serinez pas, avec votre pologue, vos chasseurs et vos points d'eau.
Gustave :
- Ne te fâche pas et arrête de crier, il y a un malade ici bon sang ! Oui Suzanne, évidemment Suzanne, je sais bien que tu es Suzanne. Je t'embête depuis tout à l'heure et tu ne le vois même pas. Si j'ai fait la confusion au retour de cette syncope, je sais bien que Julie c'est ma bonne Nounou, celle qui parcourt la mappemonde de son gros doigt usé pour trouver la maison de son neveu, Julie qui croit que la Havane est une terre de l'autre côté du fleuve, à la sortie de Pont l'Evêque, peuplée de nègre qui cherchent en permanence leur route à travers la fumée de leurs cigares. Depuis cette crise, tout à l'heure, et devant ta nature aussi, je ne sais plus en quoi je crois, mais je n'aurai pas retrouver les bons esprits si je devais, au retour, te confondre avec Julie.
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L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.
L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page. PhY de Pont L'OURS Pages 26 à 28Commentairesmon carnet de routeHavane : Pays où l'on passe son temps à fumer des cigares. Des Montecristos le matin, des Cohiba le soir àcause du miel et pour éclarcir la voix
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