Suzanne :
- Vous racontez un vrai cauchemard. On dit qu'il n'y a rien de pire que ces maladies qui sont dans la cervelle. On sait qu'on en souffre mais on ne peut pas les voir. Pour moi, les médecins n'y comprendront jamais rien. Comment peut-on savoir ce qui se passe dans un crâne ? Peut-être Monsieur le curé saurait ...
Gustave :
- Les douleurs sommeillent, guettent et...
Il attrape le cou de Suzanne
... Te bondissent sur le haut du dos, comme des chats !
Suzanne pousse un cri :
- Ah mais ! C'est pas fini !
Gustave a laissé sa main sur le cou de Suzanne et descendant lentement dans son dos, il arrête son mouvement en haut de ses reins.
- Tranquilise toi, ce n'est pas contagieux.
Suzanne :
- Mais je ne suis pas inquiète du tout, pas ! C'est vous qui m'avez fait peur avec votre chat. J'ai déjà vu des malheureux tout aussi malades que vous, et bien moins turbulents... Moins sournois aussi...
Suzanne repousse gentiment la main audacieuse de Gustave :
- Et qui ne s'enflammaient pas aussi rapidement qu'un drôle, à propos de rien.
Gustave :
- Sournois !? Attentionné tu veux dire.
Suzanne a un sourire magnifique :
- Sournois, oui, c'est bien ce que je dis. Alors, pas de docteur, vous êtes certain ?
Gustave :
- Je suis certain, oui, oui ! Je vais me soigner tout seul, depuis le temps je sais quoi faire ! J'ai mis au point un traitement à base d'exutoire, comme on dit en médecine moderne : je me mets à ma table et j'écris. C'est ça le secret : du papier et de l'encre, c'est mon remède et je me soulage de mes névroses en déversant mes déchirements sur des pages vierges.
Suzanne :
- A mon sens vous faites tout empirer. Et vous pensez que ça va suffire, que vous allez guérir tout seul rien qu'en vous enfermant pour griffonner sur vos feuilles de papier pendant des jours entiers et des semaines et en vous nourrissant avec votre jus de chaussettes écoeurant.
Gustave :
- Et pourquoi pas ma foi ? Mon père qui était un grand chirurgien voulait me remettre sur pieds à grands coups de lancette et de triples saignées, tu trouves ça mieux peut-être ?
Suzanne :
- Ben ça semble toujours plus utile qu'à votre façon.
Gustave imite un très viel homme :
- "Les humeurs doivent s'écouler de gré ou de force" disait-il, "sinon, mon cher fils, cela risque de te monter dans la tête, de la remplir complètement, de te comprimer la cervelle et Paf !" "Allons Gustave, sois raisonnable, laisse moi faire, les saignées n'ont jamais tué personne. Ton mal, lui, pourrait t'abattre".
Suzanne
- Y'a pas si longtemps, j'ai vu le Pé Rossart qui saignait aussi ses chevaux ; fallait voir tout ce sang gicler partout ! Rien que d'y penser ça me chamboule !
Gustave :
- Dieu peut voyager tranquillement, prendre du repos ou même faire une cure dans les Pyrénées sI ça lui chante, les médecins se chargeront de la sélection naturelle à sa place. Mon père a même fini par m'ébouillanter comme un poulet en voulant me faire circuler le sang avec de l'eau chaude.
Gustave relève sa manche découvrant son bras,
- Tiens, regarde la peau de ma petite main et celle de mon bras, elle est toute flétrie comme celle d'une vieille momie. Touche si tu veux.
Sazanne s'amuse de Gustave, elle se tient les joues de ses deux mains :
- Ouh ! Quelle horreur ! Mon Dieu comme vous devez souffrir... Allons, soyez un grand garçon, on ne voit plus rien du tout. Vous pensez, après tant d'années. Et en vouloir à ce pauvre homme qui ne songeait sûrement qu'à vous alléger de votre mal.
Gustave :
- Il n'y a que l'écriture qui peut me soulager. Pour la femme frigide il y a la drogue orientale, les médicaments miellés pour le mari acariâtre et le sirop prolifique pour les vieux croûtons...
Suzanne l'interrompt :
- Des remèdes de sorcières, pas, et je dis que ça risque pas de remettre sur pied qui que ce soit.
Gustave reprend comme si de rien n'était :
- Ou la potion contre l'épilepsie, tiens justement, faite de raclures de crânes humains et de sang de décapité.. ! Moi, j'écris !
Suzanne :
- C'est dégoûtant !
Gustave :
- Je suis fatigué de toutes ces crises, elles me vrillent la tête, me secouent le coeur et me pourrissent l'esprit. J'ai l'impression d'être un pantin de bois et de chiffons agité par un sale gamin.
Suzanne :
- Ces tourments vous rendent les idées plus noires que notre fourneau.
Elle se dirige vers la porte dissimulée par un lourd rideau à fleurs.
- Je vais prendre du linge que j'ai à plier, avant que ça me gagne aussi
Gustave :
- Reviens vite, je ne veux pas rester tout seul. Je ne pense pas crever aujord'hui mais après tout on ne sait jamais, je ne suis que locataire ici-bas.
Suzanne sort de la pièce :
- Je suis là dans une minute, près de vous.
Gustave parle tout seul :
- Crever, c'est pas le plus grave, c'est la souffrance. J'en ai une peur bleue. Je ne veux pas souffrir, ni avant, j'ai eu ma dose, ni après, alors, surtout pas après, là ce serait vraiment le comble. J'aurai tant aimé pouvoir mener une vie paisible, faite de valeurs inébranlables, ne pas avoir parcouru la route du genre humain en soulevant tant de poussière inutile. Rien ne vaut une vie calme et tranquille où l'on ne casse que les bouteilles vidées avec les amis, où il n'y a d'autre fumée que celle d'une bonne pipe, d'autre dégoût que celui d'avoir trop mangé.
Qui vaut le coup
Je vous recommande vivement
PHOTOSMATONS Le blog très réussi d'une passionnée qui vous fera très probablement découvrir de jeunes photographes très talentueux et reviendra également sur les plus emblématiques Pour ma part, découvert cette année Saul LEITER photographe américain né à Pittsburg en 1923 SAUL LEITER Paolo VENTURA Italien un monde de poésie photographique sur le coin d'une table. PAOLO VENTURA Pour s'y retrouver.
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L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.
L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page. PhY de Pont L'OURS Pages de 20 à 22CommentairesJ'ai oublié ma mémoire, mais je ne sais plus où je l'ai perdue
Gustave... Ouais. Sauf que tous les névrosés qui écrivent ne parviennent pas à faire du Flaubert, du Faulkner, du Dostoievsky. Tu as aussi écrit, Cher et éminent tripoteur de Suzanne: "Vingt lignes par jour. N'importe quoi, mais vingt lignes. Chaque jour." Nécessaire. Indispensable. Comme pour le dessin, ça se travaille. L'écriture n'est-ce pas, ce n'est pas comme le vélo (voir article précédent dans ce blog), ça s'oublie. La mémoire aussi ça s'oublie Un écrivain américain ami de Pérec a d'ailleurs, en hommage à ce principe, écrit un petit bouquin sous le titre "Twenty lines a day". Je me souviens que deux-trois ans avant, il m'avait cité cette phrase. Je l'avais entendu me dire ça alors que je me trouvais dans un lieu où je lis toujours, les chiottes, ieu où je réchigne en général à converser. Aujourd'hui, entre deux activités tout aussi rares qu'étrangères l'une à l'autre, j'ai démarré "The summer he didn't die" un livre de Jim Harrison. Ce qui est pénible avec Harrison, c'est qu'il écrit trop bien, au point où à la lecture de chacun de ses livres, après quelques pages, je recommence à avoir envie d'écrire un roman moi-même, alors que je sais très bien qu'il ne faudra m'y mettre que lorsque je serai incapable de poursuivre mes habituels métiers de sauveur de planète. Mais c'est cela le cadeau de certains auteurs, et Flaubert fait bien sûr partie du nombre: ils te donnent l'impression que c'est si facile, si naturel d'écrie. Ils te rappellent toutes ces richesses que le monde srait plus ou moins avide de recevoir de toi.. Vanitas vanitatis comme dit ma concierge.
← Re: J'ai oublié ma mémoire, mais je ne sais plus où je l'ai perdue
C'est bien dommage puique tu dis souvent qu'il t'arrive de risquer ta vie dans tes missions. Alors, si tu crèves avant d'être incapable à patati patata, tu emporteras tooooooout ça au panthéon de ton village ! Tu trouves bien le temps de blogguer, alors tu trouveras aussi le temps d'écrire. De toute façon ton raisonnement ne tiens pas. Alors, trouve autre chose du genre : je n'ai pas trouvé de page vierges;-)
← Re: J'ai oublié ma mémoire, mais je ne sais plus où je l'ai perdue
Oui, bon. Ben je suppose qu'au paradis des sauveurs de planète, il y aura un petit bureau, du papier, et que je pourrais écrire un roman.
← Re: Pour la mémoire il y a un truc infaillible, c'est de manger du... Ah, zut comment ça s'appelle déjà ?
Tout à fait, une petite partie des personnages de la Comédie Humaine sauf un… Le piège !
Ecrire un roman, je crois que tout le monde voudrait s’y mettre et y parvenir, enfin je veux dire un bon roman parce que des cochonneries il y en a plein les librairies, chez moi on dit la Maison de la Presse, en fin de compte, j’y rencontre toujours à peu près les mêmes lecteurs en mal de littérature, et là, ça devient plutôt la Maison ou rien ne Presse. On blablate, on échange les bons titres de bouquins, on fait les petits critiques à deux balles, on range les étagères et les présentoirs. Moi j’aime bien tapoter sur le côté des piles de livres tout neufs qui viennent d’arriver et qui sont disposée à plat. Quand c’est des bouquins politique et que les auteurs me gonflent, je les dérange, au contraire, parfois je les retourne… Discrètement.
S’il y a un paradis pour les sauveurs de planète, logiquement il devrait y avoir un enfer pour les fouteurs de merde, ce qui est bon signe car en principe ceux là ne pourront rien écrire. Quand leblase sera au paradis des sauveurs de planète il aura forcément autre chose à faire qu’à griffonner ses mémoires sur des pages vierges, les pauvres mômes… Quant aux secrétaires célestes, elles ne te laisseront pas le temps de rédiger ni de t’allonger sur des feuilles blanches.
Je ne connais pas cet auteur, Jim Harrison, il faudra que je retourne en ville, mais il y a des gens qui écrivent très facilement, ce qui n’était pas le cas de Flaubert et d’autres pour qui c’est une agonie, un purgatoire.
Quand on le compare à d’autres, Maupassant, Balzac, Hugo, Yves Saint Martin… (Tient encore lui) il a très peu écrit, il a surtout élucubré… Et s’il avait eu Viabloga, à sa disposition, comme nous autres, aurait’ il eu le temps d’écrire des romans ? Quand on pense au temps qu’il a consacré à sa correspondance et à sa démesure (5 tomes dans la Pléiade sans compter ce qu’il a brûlé et que sa nièce à fait disparaître), on peut imaginer qu’en définitive, il aurait peut-être préféré échanger avec ses interlocuteurs plutôt que s’enfermer dans sa grande bicoque normande. Et lorsqu’il faisait le trajet entre Rouen (Croisset) et Paris pour consulter des ouvrages dans les bibliothèques, il rencontrait ses amis ou ses ennemis, il prenait l’air du temps. Imaginez le gâchis s’il avait eu Internet.
Et toi, Mitra, quand trouveras tu le temps d’assembler tous les précieux souvenirs et les petits instants fragiles que tu décris ? Je pense qu’aujourd’hui, surtout aujourd’hui, on a vraiment besoin de savoir et de comprendre ce que vivent ces peuples silencieux.
Concernant L’Ours et le Tulipier, le mérite est relativement mince, l’essentiel du travail a consisté à souder entre eux les mots que Gustave pensaient gâcher au quotidien.
Quand à mon coiffeur, vous n'en saurez rien, cela vous donnerai trop d'indication ! Je suis très connu .. ! Et je n'ai pas de moustaches. Bel inconnu anonyme ! Je n'arrive pas à remettre la main sur la nouvelle dont je te parlais dernièrement.. Je poursuis mes recherches. PhY
← Mitra n'est pas de votre monde
Are you joking ? Hé he, ce n'est pas le temps qui me manque mais tout le reste : souvenir, mémoire, histoire à raconter, l'art d'écrire, ... Et puis je suis actuellement en guerre avec un de mes moi qui commence à penser que ce que je vis n'est pas à la hauteur de ce que je devrais vivre. Elle n'est pas de gonflée celle-là; jusque là je l'avais bien tassé quelque part, mais ce leblase l'a réveillé ! Sinon, une autre de mes moi se demande ce que je fou à causer avec vous les grands écrivains car je n'ai aucune connaissance dans la littérature.
← Re: Mitra n'est pas de votre mondeTout à fait. Et d'ailleurs, cherche un vieux prêt à mourir à entretenir:-)
← Re: Hey petit, tu as donc tout ton temps pour rattraper ton retard;-)
Mitra
← Re: Hey petit, tu as donc tout ton temps pour rattraper ton retard;-)Ah, tout le mérite est pour ce site qui permet de réaliser des films en choisissant des petits morceaux qu'on peut visualiser puis assembler.
← Re: Mitra n'est pas de votre monde
Je suis très content de savoir qu'un de tes toi a décidé de t'emmerder
← Re: Pour la mémoire il y a un truc infaillible, c'est de manger du... Ah, zut comment ça s'appelle déjà ?
Si j'en crois ce qu'on écrit sur les tonnes de documents que Flaubert aimait réunir avant d'écrire une ligne, Internet lui aurait beaucoup plu.
← Re: Pour la mémoire il y a un truc infaillible, c'est de manger du... Ah, zut comment ça s'appelle déjà ?
Tu as raison, Un fils, l'histoire de cet homme qui se casse une jambe lors de son voyage en Bretagne, ce qui l'oblige à rester dans une petite auberge durant plusieurs jours, voir plusieurs semaine et qui séduit une jeune fille qui y est employée... Plusieurs années après, il revient sur place, interroge quelques habitants au sujet de la jeune fille et aperçoit soudain dans la cour un jeune homme qui est son portrait craché.
← Re: Pour la mémoire il y a un truc infaillible, c'est de manger du... Ah, zut comment ça s'appelle déjà ?
Bon la je suis coincée. J’avais décidé de continuer à tout lire sans rien dire – malgré une fois ou j’ai failli réagir violemment tellement ton jugement sur l’interprétation de Jean-Louis Trintignant lisant Apollinaire m’avait ulcérée, mais bon -
← Re: Pour la mémoire il y a un truc infaillible, c'est de manger du... Ah, zut comment ça s'appelle déjà ?
Salut Tilly Je me jette dans les pages de Cossery, recommandé par Mitra, et je fonce sur Jim Harrison… Décidemment, les longues soirées d’hiver ont des perspectives de lecture alléchantes. Merci.. Et oui, le jugement sur la lecture de Trintignan était peut-être un peu excessif…
PhY
← Re: J'ai oublié ma mémoire, mais je ne sais plus où je l'ai perdue
leblase,
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