Mots-clés : Terre-neuve, blasphème
Gustave continue, la voix serrée de nostalgie :
- Elle avait un gros chien noir, Oh, crénon ! Pour elle j'aurai voulu me transformer en un terre-neuve, comme ça, d'un coup de baguette magique, pour que cette jeune femelle me baise sur la tête, entre les deux oreilles, ses mains dans l'épaisseur de mon pelage. Je ne sais dans quel charnier pourrit à cette heure le crâne de ce gros clébard. Il s'appelait Néron. Quand nous nous sommes mieux connus, parfois elle me le confiait pour la promenade et seul avec lui je l'embrassais jusqu'au dégoût à l'endroit où elle même avait posée ses lèvres. La betiole me regardait avec ses yeux jaunes de bestioles, tristement, paraissant presque comprendre les mots d'amour que je lui chuchotais pour elle...
Gustave prend doucement le visage de Suzanne entre ses mains :
... :"Belle Elisa, je me consume, je me dissous,, votre bouche, vos lèvres "
Gustave se rapproche encore :
... Oh, regarde, il remue la queue !
Disant cela il regarde à droite, Suzanne veut regarder aussi mais Gustave lui maintient la tête droite, tout en continuant à lui parler tout doucement :
... "Vos seins si blancs, Elisa, gonflés comme des nuages d'été". Elle devait être un peu plus âgée que toi, mais à peine, et le grand amour était né tout d'un coup, en plein soleil et les pieds dans le sable.
Suzanne :
- Ben j'ai un peu chaud là, M'sieur Gustave..!
- Gustave :
Décidément, me concernant, le plaisir a toujours été confus. Je désir, certes, mais je sens que j'use surtout des yeux, de l'imagination et donc à l'avance, les femmes que je pourrais prendre plus tard. En somme, je n'éprouve que des érections cérébrales et des orgasmes oculaires. Je pense que je l'ai baisée, en fin de compte, en 43 ou en 44.. Ou en 48 ! C'est ça, oui, en 48.
Suzanne :
- Vous voulez dire... Embrassée ?
Gustave s'étrangle de rire :
- Embrassé, c'est ça, embrassé... Oui, si tu veux, c'est bien ce que je veux dire. Mais alors embrassée avec tous les assortiments, toute la garniture, embrassé en profondeur quoi ! Ah, tu me fais rire. N'as tu jamais des envies toi ? Des besoins de passion, des... Comment dire ? Des nécessités charnelles ? Ne ressens-tu jamais des fourmillements tièdes, là, dans ton petit ventre ? Ne pétilles-tu donc jamais ?
Disant celà, Gustave avait posé sa main sur le ventre de Suzanne. Elle semble de pas réagir puis elle retire la main qui s'éternise :
Suzanne :
- Ben si bien sûr... Je se suis pas une statue pas ! Mais je ... Je ne vais pas ameuter tout le canton avec mes affaires, pas, ça regarde personne d'autre que moi.
Gustave :
- Je suis d'accord, mais là, maintenant, ce matin, tu peux m'en parler, comme je me confie à toi. Je ne te demande pas de me faire un rapport circonstancié avec des descriptions anatomiques ou des croquis ! Je te pose une question simple. D'un être humain à un autre être humain.
Suzanne :
- Ben c'est heureux ! Et pis je ne suis pas un être humain comme vous, je suis une femme et les femmes, on n'est pas aussi bavardes que vous sur ces choses là.
Gustave :
- Tu es désarmante ma chère Suzanne. Il y a des êtres humains, femmes, surtout, comme toi, que l'on connaît à peine mais qu'on voudrait, aussitôt voir nues, nues jusqu'au coeur, jusqu'à la colonne vertébrale.
Suzanne :
- Ben vous, on peut dire que vous me troublez.
Gustave :
- Et bien toi, c'est ta jeunesse qui me trouble. Elle me trouble et me fait vibrer à l'intérieur, comme un gamin qui va à son premier rendez-vous.
Suzanne :
- Je ... Vous, vos mots me font l'effet d'un vin, ou de ces liqueurs. Je suis toute saoule, comme pompette avec vos phrases.
Gustave :
- Méfie-toi, méfie-toi de moi. J'ai tant fait souffrir. La félicité et le bonheur sont des manteaux hypocrites. Ils dissimulent sous une belle laine des doublures qui partent en lambeaux, et quand on veut s'en couvrir, on reste empêtré dans des guenilles froides.
Suzanne :
- Je ne comprends rien à ce que vous me dites mais j'aime le son de votre voix maintenant, comme j'aime vous entendre lire tout haut ces pages que vous écrivez.
Gustave :
- Alors je ne te dégoûte pas ?
Suzanne :
- Ben non, pourquoi-ça ?
Gustave :
- Mais enfin regarde-moi ! Regarde ma pauvre bouche ! Je n'ai bientôt plus de dents et je crache toute la journée cette saloperie de salive plus noire que du jus de charbon. Ce traitement est horrible ! Je ne pensais pas qu'on puisse mettre du mercure autre part que dans les thermomètres.
Suzanne :
- Votre maladie, votre souffrance noire, vos chagrins et les miens... Les peines semblent se regrouper entre-elles et...
Gustave :
- ... Et les plus grands malheurs sont comme des boeufs puissants. Ils vous tirent en avant, inexorablement et en silence... Gnagnagna ! Là tu nous refais des cathos ! "Les peines se regroupent ..." C'est le genre de phrases toute faites de ton petit curée !
Suzanne se sigant :
- Parfaitement, c'est aussi le seigneur qui parle par sa bouche.
Gustave :
- Et il y a des jours où ton Jésus sent la saussice à l'ail et la vinasse !
Suzanne :
- Impie ! Basphémateur ! La peine des hommes est une décision divine, il faut s'y soumettre ! Mécréant ! Vous s'rez léché par les flammes.
Voxpopuli
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