Mots-clés : Bouvard et Pécuchet
Gustave :
- D'ailleurs, et pendant qu'il en est encore temps, je pense que nous allons prochainement unir Julio à une belle petite voisine, une bâtarde ravissante. Ce qui me chagrine, c'est que le maître, en revanche, est un imbécile redoutable qui m'irrite au plus haut point. Je ne supporte pas les gens qui frappent les chiens. Tu le connais ? Que fait-il à propos ?
Suzanne :
- C'est Eugène. On dit qu'il a dingué dans la Seine alors qu'elle était glacée, il y a quelques années. Depuis il est un peu...
Gustave :
- Un peu dingot ?
Suzanne :
- Un peu... ! Il fait des cordes de bois ou même des heures de jardin ici et là, autour de Croisset. C'est pas sa faute.
Gustave :
- Tatata ! C'est pas sa faute ? Qu'est ce que tu en sais ? N'excuses pas toujours tout. Je vais me venger en le faisant embaucher comme journalier par mes deux cloportes, dans mon futur roman. Il est suffisamment taré pour ne pas dépareiller dans le tableau. Qu'il n'approche surtout pas de la maison, le dingot; il serait capable de faire crever mon tulipier. Impuissant !
Suzanne :
- Quels cloportes ? Qu'est-ce que c'est encore que ça ?
Gustave :
- Ah ah... Les cloportes ? Messieurs Bouvard et Pécuchet, les prochains héros de ma grande oeuvre encyclopédique et radicale ! On n'aura jamais vu de tels boulets dans aucune autre oeuvre au monde.
Suzanne :
- Encore un livre quoi. Y a t'il une autre maison par ici avec autant de livres ? On voit que c'est pas vous qui êtes à l'autre bout du plumeau.
Gustave :
- Encore heureux !
Suzanne :
- Ca m'étonne pas que vous soyez usé, vous lisez jour et nuit et toutes ces pages que vous remplissez.
Gustave :
- Il n'y a pas d'autres moyens. Ce futur roman est réellement diabolique, regarde !
Gustave montre les étagères de la bibliothèque..
- Je croule sous la paperasse. J'ai lu plus de mille cinq cents bouquins et remplis de notes des centaines de carnets. Et dans mes boites, combien de fiches ? Des milliers sûrement. Et ce n'est que le premier volume. Bouvard et Pécuchet, greffiers de l'univers ! Cela rendra fou tous mes lecteurs. Je me donne tout entier dans ce livre. Mon éditeur veut du moderne et bien je te certifie qu'il va être servi ! Rends toi compte, ça va te plaire, pour la seul description d'une malheureuse statuette de Saint Pierre portant les clés du paradis j'ai dû griffonner plus de douze pages. Tiens, les voilà !
Suzanne saisi délicatement les quelques feuillets que lui tend Gustave et les regarde stupéfaite.
- Dame, ça, on peut dire que vous écrivez comme un vrai cochon.
Gustave lui reprend les pages brusquement :
- Tu n'y comprends rien ! Donnes ! Rien de mieux que d'écrire, les jours où l'inspiration est au rendez-vous, pour ressentir la force de la création et aussi celle du divin. Dans son oeuvre, l'auteur est comme Dieu : présent partout et visible nulle part. Allez, Suzanne, redonne-nous une petite rasade de ton nectar.
Gustave tend son verre en souriant mais Suzanne troublée ne le sert pas.
Suzanne :
- On remplace un peu le bon Dieu si on peut apaiser, tendre la main, aider quelques malheureux. Ou juste leur parler. Qu'ils voient de temps en temps qu'ils ne sont pas que des pauvres diables.
Gustave :
- Tu es tellement touchante, chère enfant. Ta simplicité et ton bel ardeur me bouleverse. Tu ne ressembles pas à toutes ces femmes dont le coeur est comme ces petits meubles à secrets, plein de tiroirs emboités les uns dans les autres. On se donne du mal, on se casse les ongles en tentant de les ouvrir et quand on y arrive, on trouve tout au fond quelque fleur desséchée, des brins de poussière, ou le vide, souvent. Serais-tu l'exception?
Suzanne :
- Je suis comme toutes les autres filles, je sais bien où est ma place. Maintenant, je crois que ça me plairait bien d'avoir un secret.
Gustave :
- Approche ! Bientôt tu éblouiras l'homme qui saura te regarder, le passionné qui voudra te subjuguer, t'éplucher, t'envahir, te soustraire en douceur à ta philanthropie de campagne. Ecoute-moi et ne sombre pas trop dans ta miséricorde, cela fatigue à la fin et l'excès d'humanisme est comme une bouffarde trop chaude dont le tuyau gargouille et qui donne à la salive un jus au goût écoeurant. Il y a de la lumière en toi, Suzanne.
Suzanne :
- Vous me faites rougir encore ! Vous me troublez. Combien d'autres pauvres filles avant moi avez-vous égarées ? Avec vos mots, vous êtes comme le serpent du paradis.
Gustave :
- Jésus Marie Joseph ! Je peux encore effaroucher. Bénie soit cette foutue maladie. Je sens qu'il y a à nouveau du souffle dans la carcasse ! Il faudrait qu'il y en ait assez pour me laisser le temps de régler toutes les factures que je dois à la vie et aussi celles qu'il me reste encore à percevoir. Bon ! Alors, ça vient cette fiole ! Aubergiste, amène ta bouteille ou nous tuerons les chevaux !
Suzanne :
- Ah, mais enfin ! Vous n'êtes qu'un sapas ! Quel impatient...
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L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.
L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
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