Château de Pont
Je vous en parle depuis quelques mois à travers les différents billets ou réponses à vos commentaires, il est temps pour moi de vous inviter à vous plonger, via ces chroniques, dans l’univers complexe, excessif, tragicomique, et souvent impitoyable de la ville de Pont.
Au cœur de l’âme du Pays Bigouden, là où nul arbre ne peut pousser droit tant la fureur des vents d’ouest est fréquente et implacable, là où nulle vache ne peut se tenir longtemps immobile sans que son lait ne fermente, se dresse la mythique cité de Pont, concurrente affichée de la mythique cité d’Is que les spécialistes de l’ORL, l’Office des Recherches Légendaires situent au large de Douarnenez, petite bourgade au passé très intimement lié à la sardine et aujourd'hui dramatiquement isolée par les crises successives de la pêche.
Mais revenons à Pont car il faut bien veiller à dire Pont, et non pas le Pont, de la même manière que l’on dit Queens et non pas le Queens lorsque l’on parle du modeste Burroughs qui fait face à New York City.
Il est tout à fait vraisemblable que Thomas More lui même, (je souhaite plus que je n’espère…) si il l’avait connu, eut choisi Pont, lumineux contrepoint aux dépravées, lubriques et austères citées modernes, pour être la capitale de son univers utopique, prônant la tolérance et la discipline au service de la liberté pour contrecarrer les ravages sociaux et leurs effets désastreux.
Il y a près de 12 mois, Pont a vécu des instants historiques après l’élection de Jonas Tiburnes, le charismatique candidat d’ouverture du Parti Idéal, (d’où l’aparté avec Thomas More) issu de la minorité silencieuse Cornouaillaise, marquant ainsi un remarquable virage dans les chroniques de cet endroit du globe et donnant à Pont l’occasion de montrer à la terre entière son incroyable dynamisme, sa clairvoyance et sa jeunesse d’esprit. Pourquoi, à y bien réfléchir, nul candidat, politicien, chef de parti, n’avait-il jusqu’ici osé ou tenter de se présenter au nom de «l’idéal », cet idéal qui cadence jusqu’à plus soif les discours lénifiants et les programmes mous et convenus, cet idéal fabuleux, à la licorne pareil, que chacun souhaite s’approprier et nous en rebattre régulièrement les oreilles, Jonas Tiburne, lui, le fit, et afin de mieux cerner ce singulier personnage nous reviendrons, gourmands, plus tard sur la destinée de l’emblématique premier citoyen de Pont.
« L’extra terrestre qui mettra le pied ou je ne sais quel organe lui permettant de se déplacer, à Pont, » aimait à dire Jonas Tiburne lors de sa brillante campagne électorale, « n’aura plus besoin de visiter ni Shanghai, ni Pékin, ni Bombay ni aucune autre mégapole surdimensionnée, il aura tout vu, tout entendu et même tout goûté ». Tiburne ponctuait en général sa fameuse phrase en levant son verre de cidre et dans l’assistance médusée, et régulièrement acquise, les rires fusaient, invariablement.
En tant que consultant du cabinet du Maire, à titre totalement occulte et pour des honoraires tout à fait indécents, ai-je besoin de le souligner, j’ai fréquemment assisté à de très nombreuses réunions et assemblées diverses tenues dans les arrières boutiques, les salles obscures, rassemblements durant lesquels les promesses insensés, les engagements bienveillants, les contrats ténébreux volaient au raz du formica des tables de bistrot, des toiles cirées, des mousses des verres de bière, des papiers de charcuteries, de ces charcuteries que l’on se partage, comme le font, en imitant le canard sauvage dans des cabanes humides, les chasseurs à l’affut.
Bienvenue à Pont.
Voxpopuli
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