Mots-clés : Blessure, Exutoire, Marrakech, Jardin de Majorelle
PhY et sa compagne M. avaient bouclé les valises pour une petite semaine à Marrakech. Envol dès le lendemain pour Paris puis le Maroc. Rien à voir avec notre sujet ? Pas si sûr !
La veille du départ alors que la pièce sur Flaubert sombrait lentement dans une douce torpeur, J. se signala à nouveau.
-« Salut ma vieille comment ça va ? »
Vous l’aurez peut-être reconnu ?
-« On en est où avec Flaubert ? J’ai parlé de la pièce à une copine actrice, ce serait une bonne idée qu’on la monte ensemble mais elle pense que le rôle de Suzanne est un peu léger, il faudrait lui donner un peu plus de puissance, de répondant. »
Le rôle de Suzanne avait l’épaisseur qu’on lui avait imposée, pas un grand rôle, tout le monde était d’accord là-dessus auparavant.
-« Tu penses que tu peux l’étoffer rapidement, il nous faudrait ça pour Noël »
PhY emporta donc son ordinateur portable en vacances et s’occupa du sort de Suzanne tous les soirs, entre deux escapades vers la Médina ou la place Jemaa El Fna, autour de la Koutoubia ou dans la fraîcheur des jardins de Majorelle, Suzanne devint une jeune femme discrète mais vive, pleine de santé, pleine de vie, avec le côté économe et dévot que devaient avoir être les jeunes filles placées de l’époque. Julie était partie rendre visite à une parente pendant quelques jours et elle-même avait recruté Suzanne pour la remplacer.
Dès le retour en France le texte était prêt, il fut relu, imprimé et relié et PhY le glissa le cœur battant dans une grosse enveloppe à bulles, destination J.
A force de crier au feu, comme dit le proverbe, la maison finie par brûler dans l’indifférence générale. La pièce est écrite, Flaubert et Suzanne sont enfermés dans ces pages depuis l’hiver 2005. Depuis son bureau, L’ours regarde toujours couler la Seine derrière les branches de son tulipier, les feuilles tantôt éclairées par la frêle lumière des matins des rives du fleuve, tantôt givrées par les hivers terribles de la fin de ces années 1800. PhY se dit que comme tant d’autres, érudits, maîtres d’universités ou simples mortels passionnés comme lui, il aura au moins participé à la survie de ces fantômes qui peuplent l’univers et que la vie traverse comme on traverse les ponts.
J. a monté une pièce avec A.S. qui n’a rien à voir avec Flaubert, et aujourd’hui J. Joue dans une pièce sur Flaubert qui n’est pas L’ours et le tulipier. Dommage pour ton non en lettres de néon mon cher PhY. Trop risqué de monter la pièce d’un inconnu, et aussi, pourquoi pas, trop mauvaise la pièce de cet inconnu... Donc Tout Flaubert n’est pas un chef d’œuvre ?
J. a renoué avec l’auteur du premier texte. J., tout comme pour PhY lui a demandé de rajouter un rôle, un petit rôle de faire valoir, pourquoi pas une petite bonne qui assiste impuissante à l’une des crise d’épilepsie du grand Gustave. Et la pièce marche très bien et PhY s’en réjouis car le grand bénéficiaire de cette affaire qui n’est pas vraiment une, c’est Flaubert lui-même qui nous enchante à nouveau de ses mots, de sa clairvoyance, de son génie, de son humanité.
PhY est profondément blessé, il le cache mais quelques fois les sétons qui drainent ses humeurs lui lacèrent l’épiderme douloureusement. Il devait s’en douter mais la porte qui s’est ouverte devant lui conduisait sur une dimension qui n’était pas la sienne et qu’il ne pouvait pas comprendre... Rien de mal ! PhY est toujours à l’heure à ses rendez-vous, il respecte toujours la parole qu’il donne, il va toujours au bout des routes qu’il choisis même si ce ne sont que des petits chemins vicinaux menant à des cul de sac vaseux.
PhY n’a pas revu J. à ce jour et depuis la nouvelle pièce. Qu’elle attitude adopter ? Peut-on avoir lu toute la correspondance de Flaubert sans s’en inspirer ? Sans trouver la plume pour dire ce qu’on pense des évènements qui ne vont pas ou des trahisons amicales ? L’un des seuls regrets aujourd’hui que PhY peut ressentir c’est de voir que la porte ouverte le 31 janvier 2004 est toujours entrebaillée, que J. ne l’a jamais refermée, par amitié, par honnêteté, par savoir vivre, par logique, par prudence, par politesse.
Les six premiers chapitres de ce blog constituaient une forme d’exutoire, il reste de cette expérience extrêmement positive malgré tout, une petite pièce déposée chez un notaire de Pont Aven, à l’ancienne, que PhY se propose de vous livrer, sous la forme aménagée d’un petit roman, dans les chapitres suivants...
Voxpopuli
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