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Le blog très réussi d'une passionnée
qui vous fera très probablement découvrir
de jeunes photographes très talentueux
et reviendra également sur les plus emblématiques

Pour ma part, découvert cette année
Saul LEITER photographe américain
né à Pittsburg en 1923
SAUL LEITER


Paolo VENTURA Italien
un monde de poésie photographique
sur le coin d'une table.
PAOLO VENTURA


L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.

L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page.

PhY de Pont

 L'OURS Pages 29 à 31

Note : 3/5 (10 notes)

 

Mots-clés : ,


Gustave se lève, pose sur sa tête un drôle de petit chapeau et s'approche de Suzanne en faisant, avec les mains, les gestes d'un magicien :
- Je vais aujourd'hui te raconter des choses, des secrets, graver mes mémoires dans l'inconscient de ton esprit.
Suzanne semble effrayée :
- Pourquoi vous me dites ça ? Pourquoi vous me dites ça ??
Gustave fait semblant de claquer des dents et d'une voix tremblante :
- On viendra te consulter à mon sujet de toute l'Europe, on te fera absorber des drogues, comme une pythie, pour que ta langue se délie... Souviens toi, je le veux...!
Suzanne se lève à son tour et se dirige vers une patère, près de la porte et décroche une grande robe de chambre rouge sombre :
- Tenez, passez votre robe de chambre. Le froid va vous tomber sur les épaules et après toute cette transpiration je ne veux pas que vous attrapiez plus de mal.
Aidé par Suzanne Gustave enfile sa robe de chambre :
- Tu vois, c'est curieux, hier après-midi, après un bref éblouissement, j'ai eu l'impression de voir mon ami Bouilhet allongé sur le divan, dans la pénombre et justement, dans ma vision, il portait cette robe de chambre là. Il aimait tant la porter lorsqu'il venait me rendre visite. Comme tu me manques mon pauvre Bouilhet, comme elles me manquent tes poésies et tes diagnostiques foireux. Ah ! Les dimanches que je vis depuis son départ, sans nos gueulades et nos inquiétudes communes sont creux comme des arbres morts et je redoute maintenant ceux qu'il me reste encore à vivre sans lui. Quand on perd son accoucheur, celui qui a vu naître toutes mes folies, quand on perd le frère qui voit dans vos pensées plus clairement que vous-même, c'est le goût de la fiente qui reste à jamais dans la bouche.
Suzanne 
- Julie m'en a déjà parlé de votre ami Bouilhet, le jour où vous nous avez fait votre colère à cause des gens qui vous observent depuis la Seine.
Gustave éclate d'un grand rire nerveux :
- Une colère, ça, une colère ! Tu n'as encore rien vu. Avec un bon fusil j'aurais tiré ces culs blancs comme à la chasse. Si j'attrape le marchand de merde qui organise ses croisières devant la maison je... Je ! Sans parler de cette feuille de choux..
Gustave prend un paquet de lettres sur une petite tables et quelques journeaux qu'il brandit :
... Je ne sais pas quoi, "Je suis partout", voilà, "Je suis partout", qui, depuis plusieurs semaines déjà, publie ma vie comme si je la racontais ! Je ne sais pas qui renseigne ce chiffonnier, ce Frichet-Reynaud ...
Gustave imite un mondain précieux et effectue un ridicule petit pas de danse :
... Maurice Frichet-Reynaud... Ce que je sais c'est qu'il est diablement informé.
Suzanne :
- Faut pas prêter attention Monsieur Gustave.
Gustave :
- Tu en as de bonnes, les journaux n'ont jamais tant vendu que depuis la mort de George Sand. Tu penses, le tout Paris littéraire était présent aux funérailles de mon pauvre maître, mon chagrin ne pouvait pas échapper à ces rapaces de journalistes...
Gustave saisit un journal sur une pile, le déplie et en lit le grand titre :
... L'Eveil de France : "Gustave Flaubert en larme ! Notre grand écrivain sera peut-être le prochain nom à graver sur la plaque des disparus".
Puis il en déplie un autre :
- "Je suis partout" : "Flaubert, pleureuse d'enterrements, grand homme à louer !"
Il jette les journaux à travers la pièce.
Suzanne se précipite pour les ramasser :
- Julie semblait bien l'aimer votre ami boulhet. Elle me disait :" Quand Monsieur Bouilhet était là, Monsieur Gustave devenait plus gentil " . "Monsieur Louis rachetait de sa gentillesse les méchanceté de Monsieur Gustave." Qu'elle disait aussi.
Gustave :
- Je n'ai jamais été méchant avec Julie... Du moins je n'ai jamais voulu l'être, je la taquine, tout au plus, mais elle ne comprend pas, c'est comme toi et ça m'amuse. Putain de journaliste ..! Ils ont déjà dit des conneries mais là, je sens... Je suis certain que quelqu'un à Paris est passé à l'ennemi. Vois-tu, Suzanne, si j'avais été capable d'être jaloux de quelqu'un, je l'aurai été de Bouilhet. Le malheureux était désespéré parce ue sa famille l'avait renié quand il était jeune, la belle affaire. Sérieusement, il n'aurait pu avoir de plus belle consécration. Il y a comme ça des outrages qui vengent de tous les triomphes en retard et quand on fait cas de sa fierté, certains sifflets sont plus doux pour l'orgueil que des bravos. Là où il est, il ne manque plus de pain ni de temps pour achever ses poèmes. Il était un homme d'esprit perdu, il est devenu un paria mort.
Suzanne :
- Avec vous, les gens sont toujours dingués d'une drôle de manière.
Gustave :
- Nous adorions nous moquer des gens, des curistes surtout :
     " Tu n'es qu'un vieillard sénile !"
     " Que dis-tu ?"
     " Et un incurable ! " 
     " Ah bon ? "
     " Tu es misérable, ça fait peine à voir. "
     " Comment ? "
     " Allez, viens, on rentre à l'hospice ! "
     " Quoi ? "
     " Ah ! Quelle disgrâce, mon pauvre vieux ! Quelle disgrâce.. "
     " Et bien toi aussi, vieux bouc ! "
- Je m'en souviens comme si c'était hier, dans les rues de la Roche-Guyon, à leur image nous faisions des tableaux anticipés de la décrépitude, cela pouvait durer des heures .

Commentaires

Très bien cet épisode cher Monsieur Phy
"un grand homme à louer"... J'aime beaucoup çà, surtout en ces temps de baisse de l'immobilier et du niveau général des grands hommes.
Quoique, je me demande s'il n'en fut pas ainsi de tout temps: les grands hommes d'aujourd'hui seront rarement ceux de demain.
Combien de contemporains de Montaigne, Mozart, Lucky Luke ou Hegel ne furent-ils pas portés au panthéon de leur vivant, pour finir évaporés dans le bidon des bidons?
Corollairement, pourquoi des gens à la pensée ou à l'art aussi puissants que, justement, Hegel ou Haydn se préoccupaient-ils de gloire personnelle?

Le cinéaste Jean Delannoy, par exemple, membre de toutes les Académies possibles, récemment disparu à l'âge de 101 ans, continuait à 99 ans à cracher son fiel sur Truffault qui, quand il était encore critique de cinéma, le prenait comme exemple du tacheron balourd et laissa des écrits pas du tout hagiographiques à son endroit.
Truffault toujours, orphelin donc sans passé, ne se préoccupait guère de sa gloire posthume et consacra, alors qu'il était reconnu comme un des grands réalisateurs de son vivant, beaucoup d'énergie à célébrer ceux qu'il respectait (voir son génial livre de conversations avec Hitchcock ou ses écrits sur O.Welles).
J'ai eu l'occasion de participer à des discussions avec quelques-uns des artistes plasticiens les plus connus (et donc chers et riches) aux USA et en Europe, autour de la renommée posthume.
Cet exercice m'a souvent surpris: ceux qui étaient les meilleurs êtres humains parmi ces créateurs se tapaient de savoir si on allumerait des bougies cent ans après leur mort, alors que d'autres qui du temps de leur jeunesse avaient proféré de fières paroles anarchistes, construisaient avec frénésie leur mausolée, faisaient écrire leur biographie par des neuneus serviles.
On devrait en parler à BH, un de ces quatre, même s'il sait que je me moque toujours de lui sur ce sujet.. Sans humour sur soi (pour BH, sans humour du tout), vaut-on la pierre qui nous recouvrira?
Au fait, je me demandais si un personnage allait faire son entrée, interrompant le face à face de Gugusse et Suzanne (dont je continue à penser qu'un tissu lâche peine à retenir sa généreuse devanture).

 

 

Re:

Quand on voit passer comme des météores tous ces « pipaul » ridicules, pathétiques, ils n’intéressent leurs congénères que parce que leurs « œuvres » si on peut appeler ça des œuvres, leurs non œuvres donc, répondent à des demandes fugaces et précises. On fait, écrit, dit, joue que ce que le public souhaite croire, lire, écouter et regarder à l’instant T . Demain, expulsés des mémoires d’un courant d’air, ces têtes d’affiche aurons moins de notoriété que celles des veaux dont les figures pâles bourrées de persil ornent les devantures de nos belles charcuteries de provinces les jours de marché. Je suis toujours sidéré de penser que Didier Gustin fait plus d’entrées lors de ses spectacles que le divin Molière durant toute son existence… Dieu merci le phénomène s’est très largement inversé par la suite. Les génies de ces périodes révolues ressentaient tellement de déceptions avec leurs contemporains que savoir s’ils franchiraient les époques devaient être le dernier de leur soucis.
Donc Michel Drucker aura beau faire, le tamis du temps et le vrai talent créatif seront les meilleurs critiques.
Quand à Delannoy, il paraît que les médailles et les honneurs constituent la sexualité des très vieux.
PhY

 

 

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L'Ours & le tuliper, texte original déposé d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
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