Mots-clés : démocratie, Goncourt, Laporte, Commanville
Suzanne :
- Continuez comme ça, vous serez bientôt comme ces vieux pince-nez aigris qui craignent qu'on puisse donner de l'instruction au pauvre peuple. Vous savez, les petites gens, tous ceux qui marnent toute la journée pour deux soles du jour n'ont pas le temps de regarder en l'air pour voir se que font les nantis. Les riches ont bien plus peur des pauvres que le contraire.
Gustave :
- Il n'empêche, cette démocratie ridicule et inadaptée me coupe les jambes. Je ne veux pas croire que dans ce mouvement perpétuel de l'humanité, l'évolution des formes sociales se soit arrêtée sur cette guignolade. Et ne m'énerve pas à me regarder comme si j'étais possédé.
Suzanne :
- Mais des fois vous donnez l'impression de l'être. Vous êtes plus tendre avec les chiens enragés qu'avec ceux qui ont été mordus. Hou ! Comme je regrette de ne pas être allé chercher le docteur Tourneux. Il vous aurait donné un bon calmant, ou un somnifère. Tiens, voilà, je ne vous regarde même plus !
Gustave :
- Je suis persuadé qu'ici aussi on raconte que je suis un vieil idiot qui galope après les entrées dans les salons parisiens, que je suis bouffi d'arrogance et de mauvais goût, comme un de ces glands de passementerie qui pendouille au milieu des rideaux. Je ne vais pas jeter les médailles puisque j'ai eu la bassesse de les accepter, pétri de dédain, corseté dans mon bel habit, les bras cloués au corps et le nez dans les tapis. Non ! je n'aurai pas la veulerie de les balancer, je vais plutôt me les accrocher dans le dos et les porter avec un écriteau : "J'ai renié mes convictions, je me suis laissé éblouir par les lambris des palais et engluer dans la crème et les petits fours."
Suzanne :
- Les gens à Canteleu ou à Croisset disent tous les jours que vous êtes un ours et que nous vivons tous ici comme dans une tanière, et bien des fois, je suis obligée de me boucher les oreilles pour ne pas entendre tous les potins, tous les médisances sur vous, sur ceux de cette maison ou même sur Julie et sur moi, et pourtant je ne suis pas là depuis longtemps. Il faut croire qu'il y a de la contagion. On dit des choses que ne saurais pas répéter. Dieu m'en garde !
Gustave :
- Ca ne m'étonne pas et si tu veux que je te dise, je m'en contre fous. Les Goncourt pensaient que je me transformais en une courge normande gonflée de je ne sais quel suc et je ne sais plus lequel de ces deux fripouilles m'avait surnommé " Le monstre des caverne de la vallée de la Seine". En fin de compte, nos voisins ne sont pas bien loin de la vérité...
Suzanne :
- Faut'il vous aimer pour vous supporter et aspirer comme votre buvard les bavardages, les ragots et toutes les saletés qu'on dit sur votre dos. Mais dire que certains veulent tirer du profit autour de vous, ce serait mentir quand même.
Gustave :
- On voit bien que tu ne connais pas mon cher neveu, le joyeux Commanville; et sa horde de créanciers, comme je les connais. Et en particulier cette saloperie de Laporte qui ne lui a prêté cet argent que par pure vanité, simplement pour pouvoir m'approcher. Dire que je le croyais mon ami.
Suzanne :
- Et il lui en a prêté tant que ça ?
Gustave :
- Suffisamment, suffisamment pour qu'aujourd'hui il puisse dire : "Flaubert ? Mais bien sûr que je le connais, je le secours parfois en lui consentant un peu d'argent... Sa propre nièce et son mari me doivent beaucoup." On lui doit tellement qu'il va finir par rejoindre les rangs des insomniaques. Tout comme moi ! Ah, je te le jure, ces affaires d'argent me laminent. Je ne comprends rien à l'argent, à toutes les manipulations de portefeuille et de titres, et cela m'empêche d'élargir ma pauvre cervelle.
Suzanne :
- Pauvre garçon ! Votre neveu est certainement aussi malheureux que vous de l'embarras dans lequel il vous a mis. Et votre petite Caroline, elle se débat toute seule pour son pauvre mari, ma pauvrette. Elle vous aime comme un père, cela se voit, même si parfois ses mots sont blessants, c'est par maladresse.
Gustave :
- Et bien aujourd'hui je ne veux plus aimer, cela fait bien trop souffrir. Regarde, Elisa, ma soeur Caroline, Louise, ma nièce, et ma mère surtout. Les femmes ont tailladé ma vie comme autant de coup de hache dans le tronc d'un hêtre. Crois moi, le bois le plus dur finit toujours par se fendre, par pourrir et personne n'a jamais pu sculpter du bois en putréfaction. Je suis résigné, comme un vieux marin, j'ai serré toutes les voiles de ma modeste embarcation et j'attends, le dos tourné au vent et la tête baissée sur la poitrine.
Suzanne :
- Pauvre Monsieur Flaubert, Voilà que vous repartez à vous lamenter.
Gustave :
- Je suis fatigué. J'ai l'impression d'être complètement vidé, sucé, d'être plus ancien que la littérature, comme le crocodile du Nil, qui semble plus vieux que l'Afrique elle-même.
Qui vaut le coup
Je vous recommande vivement
PHOTOSMATONS Le blog très réussi d'une passionnée qui vous fera très probablement découvrir de jeunes photographes très talentueux et reviendra également sur les plus emblématiques Pour ma part, découvert cette année Saul LEITER photographe américain né à Pittsburg en 1923 SAUL LEITER Paolo VENTURA Italien un monde de poésie photographique sur le coin d'une table. PAOLO VENTURA Pour s'y retrouver.
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L'OURS & LE TULIPIER : L'intégral.
L'OURS ET LE TULIPIER", texte intégral original déposé,écrit d'après l'oeuvre et la correspondance de Gustave Flaubert.
Pour en lire l'intégralité, aller dans "Archives" puis "Août 2008" et enfin "O4/08/08". puis "Article suivant" au bas de chaque page. PhY de Pont L'OURS Pages de 61 à 62CommentairesJ., es tu là ?Je me pose une question. J. lit-il ce blog. Si oui, Ô J., pourquoi ne pas commenter ou mieux encore enregistrer un dialogue et le mettre en ligne ici.
← Re: J., es tu là ?
@Jean :
Non, cher visiteur, je ne pense pas que J. lise ce blog, J. pourrait éventuellement lire le blog de Eric E. Schmidt, ce dernier ayant déjà plus de 100 000 lecteurs, mais celui de PhY de Pont … Bref, mais ton idée de lecture est assez séduisante, techniquement, je ne sais pas comment ça pourrait se traduire mais alléchante perspective. Un lecteur, une lectrice et hop ! En ligne. J. a eu le texte entre les mains, et peut-être l’a-t-il trouvé intéressant, mais comme je l’expliquais dans les premiers articles, il a préféré reprendre le texte de Bédouet (par ailleurs très bon) qu’il avait déjà joué et qu’il a pu enfiler comme un vieux chausson. Audace, quand tu nous tiens…
Merci de tes encouragements.
PhY
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