Mots-clés : Joseph Sassetti, La Porte aux Rats, calotypes
Gustave :
- As-tu pensé au mariage, songé à t'établir ? Peut-être as-tu déjà trouvé un homme à ton goût ?
Suzanne se remet sur la défensive :
- Il est bien l'heure de parler de mariage, quand aurai-je le temps d'y penser selon vous ?
Gustave n'écoute plus la réponse, il se replonge dans ses pensées.
- Être tué par un Prussien, en plein Rouen ! Quelle connerie !
Suzanne elle, est toujours sur le sujet qui la préocupe un peu malgré ce qu'elle en dit :
- Des jeunes hommes bien, on n'en trouve pas à la croisée de tous les chemins. Mais j'en connais un ou deux, de vue, des braves garçons, et qui reluquent sur moi. Il y en a même un à qui je pourrai bien dire oui.
Gustave :
- L'histoire de France doit se recroqueviller de honte dans son écorce déjà bien sordide.
Suzanne :
- Rien ne presse, la providence saura bien me montrer celui qu'il faut choisir. Je me méfie quand même des journaliers, ils font tous des promesses tant qu'ils sont là, pour voler des baisers et s'approcher des corsages et puis le lendemain, piouf, y'a plus personne au village et on se retrouve avec un p'tiot.
Gustave sort de ses réflexions brutalement :
- J'ai un peu faim maintenant, reste t'il un peu de ce jambon sec ? Et si nous buvions un petit verre de vin hein ? Pour ranimer nos coeurs et nos âmes.
Suzanne est consternée :
- Du vin ? Ben... Il n'est même pas huit heures ! Je peux vous réchauffer un peu de cette bonne soupe de raves, d'hier.
Gustave s'enflamme immédiatement :
- Des raves ? Par pitié Suzane, pas toi ! Epargne moi les raves ! J'ai été saigné, plus qu'à mon tour, on m'a purgé aussi et de toutes les manières, d'ailleurs je te le recommande chaleureusement, on m'a posé des sétons, mis des sangsues, interdit la bonne chère, défendu la pipe. Alors tu peux me trancher la gorge ou me poignarder dans le dos si ça te chante mais ne va pas, aujourd'hui, me faire un procès pour un tout petit verre de vin. La soupe aux raves attendra, tu peux même la donner à tes oeuvres, allez Suzanne, un petit verre ! Tu m'accompagnes ?
Suzanne sort quelques instants er revient avec une bouteille et deux verres.
- Bon, mais je vous sers et je garde la bouteille.
Gustave saisi la bouteille des mains de Suzanne et cherche à l'embrouiller :
- Si tu veux, je me sers et tu gardes ta bouteille, cela me permettra de vérifier ma théorie sur ta belle générosité.
Gustave sert un peu Suzanne et se verse la moitié de la bouteille. Il la regarde et lui dit avec ironie :
- Et puis c'est Dieu, à l'aide du soleil qui a fait mûrir les raisins dont on a extrait ce nectar. Tu vois, en buvant, c'est au divin créateur que je rends hommage.
Suzanne :
- Qu'est le votre aussi, je vous dirais, malgré votre fichu caractère. Il n'est pas très regardant le seigneur, il veille de la même façon sur les grincheux et sur les mécréants.
Gustave déguste son verre de vin :
- Hum ! Quelle saveur ! Je ne vais pas faire le couplet des louanges, je ne vais pas non plus soutenir qu'il y a quelque chose de beau dans la création divine, mais sacré bon D... sang, c'est un véritable miracle qu'un bon verre de vin.
Gustave se souvient brusquement :
- Rue de la Porte au Rats... ! Ca me revient. Ce nom me faisait penser à quelque chose, un tour formidable que Du Camp, c'est l'un de mes vieux amis, m'a joué lorsque nous étions en Egypte. Le bougre avait sombré dans cette marotte moderne de faire des calotypes, il en faisait à tout bout de champ.
Suzanne s'est assise sur une chaise, du bout d'une chaise :
- Des quoi ? Qu'est-ce que c'est que ces "calotyp'" ?
Gustave continue ses descriptions ignorant la question de Suzanne :
- Il déballait une quantité infernal de matériel qui, à lui seul, pesait plus que toutes nos malles réunies. L'installer prenait des heures, c'était le rôle de Sassetti ou Brichetti, je ne sais plus qui au juste. Non, Brichetti c'était Joseph, notre guide interprète, lui était génois, un beau mâle du reste, bien bâti, de la barbe drue plein la figure. Oui, c'est ça, Joseph Brachetti.
Suzanne :
- Oui, mais les "calotyps" on sait toujours pas ce que c'est ?
Gustave :
- Des sortes de photographies ! Sassetti c'était Louis, le valet de Maxime, un Corse, un ancien dragon, mais je crois que lui était déjà marié. Brichetti, je veux dire Joseph, était comme toi, il inventait des mots incroyables, bon...
Suzanne l'interrompt :
- Bouh ! C'est bien compliqué votre affaire, je m'y perds un peu.
Voxpopuli
→ plus de commentaires