Allo... Allo allo... Il y a quelqu'un au bout du fil ?
Au bout du bout' comme on dit à bord, en trainant un peu la voix dans les basses, l’œil rivé sur le corps mort qui affleure à une encablure et la main crispée sur le col de la bouteille de Muscadet.
Allo donc ! Un relent d'huître ? Une palourde qui reproche ? Qu’est-ce qui m’arrive encore aujourd’hui. Pas content ? Pas heureux ? Une soirée trop arrosée hier ? De la langue plein la bouche ce matin...
Une nouvelle fois, pour bien mesurer toute la bouleversante intensité du texte qui va suivre, je vous recommande très chaleureusement de le lire à haute voix en mettant légèrement la tête dans un pot de chambre ou dans un seau à champagne, après tout l’heure est à la réjouissance.
Je vous écris ces quelques mots depuis ce pays qui serait incroyablement grotesque s’il n’était imaginaire, où les gonzesses à poils tiennent des pendules à bout de bras, où les chiens et les chats peuvent prétendre à une alimentation équilibrée, augmentant ainsi la brillance de leur pelage, l'harmonie de leur transit et leur permettant de mener une vie totalement épanouie dans un cadre approprié, pays mirifique où il est un véritable soulagement pour un ministre de n’être désavoué que par 56 % de la population interrogée, pays où l’on a parfois la faiblesse de faire confiance à un sondage, un pays où on peut entendre dire par une tête pensante que les étrangers en situation irrégulière ont "vocation" à être reconduits à la frontière", où les mots «commerce», «économie», « marché», «performance» ont enfin remplacé les termes désuets «humanité», «fierté», «honneur», «justice», ce beau pays utopique où il est absolument interdit de camper sous le périphérique mais où il est tout à fait possible de planter sa tente et d'installer ses dromadaires dans les jardins du Palais Royal, d'où l'on salue, les cheveux encore dérangés par le souffle tiède du vent qui s'engouffre entre les colonnes de Karnak le «courageux» départ d'un dictateur à bout de souffle, porteur à lui seul de toutes les séquelles de la consanguinité étatique. « Je veux saluer ici le courage de cette décision de quitter le pouvoir » . De son plein gré alors. J’ai dû louper une phrase lors d’un éternuement, on va m’expliquer la finesse de l’analyse, patience, ça va venir, les nuées obscures vont s’ouvrir, et comme pour Bernadette Soubirou je vais avoir une révélation mes paupières vont se décoller.
Le contraire du courage de quitter le pouvoir pour un dictateur, c’est quoi ? S’incruster, tirer dans le tas, appeler au secours ? Et s’il avait crié au secours, quelqu’un serait-il venu l’aider ? Flute, on ne saura jamais. Pourquoi n’a t’il pas crié au secours au fait ? Il n’a pas dû y penser.
Mais la terre tourne beaucoup trop vite en ce moment et sa vitesse de rotation donne l'impression que les continents se rapprochent les uns des autres. A peine peut-on se réjouir qu’enfin les pyramides retrouvent un peu de leur éclat que d’autres grimaces se révèlent aussitôt sous des cieux tout proches et la fameuse phrase « Je veux saluer ici le courage de cette décision de quitter le pouvoir » s’explique enfin, nous avons un Premier Ministre visionnaire, il saluait le courage de l’un car il savait qu’un autre, quelque part tout proche, aurait lui la lâcheté de ne pas partir.
«Vocation à être reconduit à la frontière !» Quelle perspective, quelle joie pour les parents restés au pays, confits dans la béatitude et le sacrifice d’apprendre comme ça, brusquement, que le petit, la petite, la chair de la chair, le sang du sang, la fierté de toute la famille, de tout le clan, de tout le village à enfin une vocation. Il (ou elle) aurait pu choisir l’escrime, le piano, la course de fond, le ski alpin, la danse classique ... Non ! Il (ou elle) a simplement préféré « la reconduite à la frontière », quelle modernité, quelle vision, quel courage, quelle sublime expression, quelle délicatesse, il faut penser à tout quand on a des responsabilités.
Ah bon sang, quelle satisfaction si un tel pays pouvait encore exister ?
Si j’avais un pays à moi, j’essayerai certainement de me rendre utile et d'y faire des choses constructives. Il y aurait des camps d'entrainement pour les dictateurs susceptibles d’être virés, pour leurs épouses épanouies et pour la marmaille déguisée en Ralph Laurin ou en Burborry . On pourrait apprendre à ces futurs anciens princes à faire la queue à la caisse d'une grande surface en s'appuyant nonchalamment les avant bras sur un caddie et à leur dragonne poudrée à comprendre les étiquettes des emballages de sous-vide, à lire les prix, à déchiffrer une DLC, à faire le plein à la bonne pompe, à compter les jours avant de partir en vacances, à battre les tapis, à coller des timbres, à fermer la porte du garage, à vider la poubelle en faisant le tri des déchets, aux pauvres gosses à ne pas corner les pages des livres, à ranger les jouets, à faire leur lit, à finir les yaourts, à ne pas tirer sur la queue du bébé tigre... La survie quoi.
Ne pourrait on, pour une fois, faire preuve d'un peu de compréhension, faute d'être clairvoyant, d’un peu de civisme planétaire en aidant ces pauvres gens gorgés de pouvoir, de suffisance, d'abjection.
Mais c’est comme ça, on n’y peux rien. Chez nous aussi il y en a des comme ça et il serait de salut plublic d'extraire tous les 4 ou 5 ans ceux qui nous gouvernent de leurs mauvaises habitudes, de leur virtualité, de leur inconscience.
Donc, "Rions un peu..."
Comme il était inscrit jadis sous la petite barre de trois dessins humoristiques de nos anciens magazines féminins, ou des revues évocatrices que l'on pouvait feuilleter dans le salon de coiffure qui sentait les cheveux mouillés et le Pétrol Hann.
Des instances sportives que l’on serait vraiment mesquins de soupçonner de quelconque malveillance ont décidé en leur âme et conscience, sans l’ombre d’une pulsion malsaine, sans autre appétit particulier que la soif inextinguible de s’effacer devant la beauté et l’intérêt du sport, sans aucune influence, d’attribuer la coupe du monde de football 2022 au ... Roulement de tambourin ... au Qatar ! Cris de joie dans la salle, le monde entier se réjouit.
Personnellement je m’en fous comme de mon premier biberon alors que ma première tétée me laisse un souvenir impérissable.
Et non content de désigner ce petit émirat pour accueillir légitimement ce point d'orgue de l'activité sportive mondiale, on lui confiera également l'organisation de la coupe du monde de handball de 2015.
On construira les stades nécessaires, on les climatisera si toutefois d’ici là la glaciation annoncée a un peu de retard mais tout a déjà été dit sur le sujet, les chevaliers blancs du climat, Arthus Bertrand en tête on rendu leur rapport positif pour le petit émirat. Résonnez hautbois.
Mais alors, comment permettre aux spectateurs de voir les matches ?
Ben vous êtes cons ou quoi ??? Le Qatar possède une compagnie d'aviation et tout le pétrole nécessaire pour les faire voler. Oui mais le prix des billets ??? Mais allez-vous arrêter d'être négatif à la fin... C'est offert ! On fera un pont aérien ininterrompu depuis toutes les capitales du monde et même depuis toutes les villes moyennes de la planète pour acheminer les milliers de fans.
C'est le Qatar qui offre.. Enfin c'est le cheik... Grand sportif devant l'éternel quel qu'il soit, belle allure, élancé, surtout en short, le cheik a décidé, c’est lui qui régale. Un peu comme César ou Titus ou Tibère pour les jeus de Rome mais sans les herbes aromatiques dans les cheveux.
Je vous l’ai dit, l’évènement ne me fait ni chaud ni froid mais pour ceux d’entre vous qui souhaitent faire partie des heureux participants à cette débauche de muscles saillants, de shorts moulants, de corps dégoulinants de sueur, de buts et de viva et qui se rendront sur place pour admirer la nouvelle technologie rafraîchissante, je me suis procuré, auprès de l’Office du Tourisme Qatari l’ensemble des réjouissances et des festivités qui entoureront, tout au long de l’année 2022, cette manifestation planétaire.
13 janvier, à Al Wakrah concours de Boulouten et de belote. A gagner de nombreux lots dont un panier garni.
16 Mars, toujours à Al Wakrah, commémoration du 75è anniversaire de l’invention du billig à gaz par Léon Stanguennec. Grand feu d’artifice tiré à l'horizontal pur la première fois au monde.
6 avril, Arrivée des cloches de Rome dans la matinée et distribution des oeufs, ils seront cachés sur les pelouses réfrigérées de l'Emirat.
17 avril,à Dukhan, championnat inter régional du lancer de béret en présence des plus grands anciens champions de la discipline toujours vivants.
28 avril, mais cette fois à Doha, concours de cris de cochon suivi dans la foulée du festival asiatique des épépineurs de groseilles à la plume d’oie.
7 mai, à Al Khuwayr, course de baignoires sur dunes.
15 mai, finale des championnats du Nivernais des cracheurs de noyaux de pruneaux.
6 juin départ du Qatar-Paris-Qatar, du tour de France, du Qatar-Nice et du Qatar-Roubais.
14 Juillet, fête des brodeuses, et Fest Noz animé par le groupe Ar Ré Goz, on dansera jusqu’au matin en se bourrant de crêpes.
15 août, concours de trayeuse automatique avec démonstration de traite en apesanteur organisée par l’amicale agricole de la NASA. On pourra déguster des produits issus de l'agriculture biologique.
31 août fête des fleurs avec défilé de chars, de majorettes, concours de fanfares et bataille de confettis.
3 septembre, élection de Miss Pâtée de Foie et de ses dauphines sous le haut patronage du Cheik Hamad Bin Khalifa en chair et en os.
Du 9 au 12 septembre, baptême de l’air en hélicoptère offert par la chasse Qatari après tirage au sort. YannAB fera des photos de groupe, remettra les pins souvenir et offrira gracieusement la taxe carbonne.
Et enfin, 24 décembre, clou des festivités, ne manquez pas le départ du charriot du père Noël tiré par 15 dromadaires en direct de Doha, la capitale, qui sera pour l’occasion complètement recouverte d’une mince pellicule de neige.
En définitive, et pour clore cette séance d'énervement, et maintenant qu’on y voit un peu plus clair (façon de parler) au niveau des petits dictateurs du monde Arabe, il faudrait sérieusement se poser la question de savoir si les vrais despotes de nos systèmes totalement démocratiques ne sont pas aujourd'hui les instances sportives et les comités olympiques qui font la pluie et le beau temps et s'enrichissent outrageusement en nous faisant oublier les turpitudes de la vie.
Vive la République, Vive le Qatar, Vive la Révolution.
Voxpopuli
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